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Monjangaia

Monjangaia

C'est un blog d'informations et d'analyses sur l'actualité internationale en général, et, malgache, en particulier.

Publié le par Eddy Rabe
Marc Ravalomanana, accédant au pouvoir en 2002 suite à une crise politique ayant précipité Madagascar sur les bords de la guerre civile, aurait pu organiser dès cette époque la réconciliation nationale pour apaiser le pays. Mais il a préféré s'en détourner et asseoir son pouvoir sur la défiance et la rigidité en dirigeant le pays d'une main de fer. Cette voie a d'ailleurs conduit à sa chute en mars 2009 et mené malheureusement la Grande Ile vers une autre crise politique et une transition de 5 ans qui vont accentuer la misère des Malgaches.

Marc Ravalomanana, accédant au pouvoir en 2002 suite à une crise politique ayant précipité Madagascar sur les bords de la guerre civile, aurait pu organiser dès cette époque la réconciliation nationale pour apaiser le pays. Mais il a préféré s'en détourner et asseoir son pouvoir sur la défiance et la rigidité en dirigeant le pays d'une main de fer. Cette voie a d'ailleurs conduit à sa chute en mars 2009 et mené malheureusement la Grande Ile vers une autre crise politique et une transition de 5 ans qui vont accentuer la misère des Malgaches.

La réconciliation nationale est revenue sur le centre des débats politiques malgaches depuis que le FFKM (Conseil œcuménique des Eglises chrétiennes malgaches) est sorti de son mutisme l’année dernière en réunissant autour d’une table les anciens et l’actuel Chef de l’Etat. L’initiative est louable mais son succès reste aléatoire. Nonobstant la volonté de l’actuel pouvoir d’instaurer la réconciliation nationale dès sa prise de fonction, celle-ci a trop tardé pour se réaliser. Et Marc Ravalomanana est l’une des causes principales qui a plongé Madagascar dans la situation actuelle en ayant toujours renié la réconciliation nationale du temps où il était au pouvoir.

Pour mieux comprendre cette analyse, il est nécessaire de remonter sur les différentes crises qui ont secoué Madagascar, du moins, depuis celle de 1991. En 1991, lorsque le peuple est descendu dans la rue, mené par l’opposition de l’époque, pour contester le régime de la Deuxième République de Didier Ratsiraka, une concertation nationale a eu lieu ayant permis de trouver une solution de sortie de crise. Ensuite, une conférence nationale s’était tenue pour aplanir les différends entre les antagonistes de la crise. A l’époque, Didier Ratsiraka avait dû céder le pouvoir pour la mise en place d’une transition menée efficacement par feu Guy Willy Razanamasy et une élection libre et démocratique avait pu être organisée. Dix ans après, c’est-à-dire, fin 2001, début 2002, les partisans du maire d’Antananarivo de l’époque, Marc Ravalomanana, en lice pour la présidentielle du 16 décembre 2001, descendent de nouveau dans la rue pour contester les résultats de l’élection proclamés par la HCC (Haute Cour Constitutionnelle) enjoignant les deux premiers candidats à l’issue du premier tour à savoir, Marc Ravalomanana et un certain Didier Ratsiraka, à passer au second tour de l’élection. Pour le camp Ravalomanana, la victoire de son poulain est acquise dès le premier tour. La crise était ainsi née et aucune concertation politique n’avait pu aboutir malgré l’implication de la communauté internationale avec, notamment, les accords de Dakar 1 et 2. Dès cette période, l’on a pu constater une première entorse de Marc Ravalomanana sur l’apaisement du pays. Il n’avait jamais honoré ses engagements pris et signés lors des accords de Dakar 1 et 2. Résultat : le pays s’engouffrait petit à petit dans une espèce de guerre civile et ethnique. Les affrontements armés opposant, d’une part, les réservistes mobilisés par Marc Ravalomanana et une grande partie de l’armée, et d’autre part, des milices et militaires fidèles à Didier Ratsiraka, éclataient ici et là dans toutes les provinces avec leurs lots de division des Malgaches tels les barrages économiques et exactions en tous genres. De par ce bras de fer armé, l’ancien PDG de Tiko avait pu accéder au pouvoir et Madagascar avait pu éviter le pire après que Didier Ratsiraka eût pris la décision de s’exiler en France et ordonné à ses troupes de se retirer et de ne pas riposter aux avancées des réservistes.

« Madagascar n’était pas en guerre »

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Elle mentionnerait l’accession au pouvoir de Marc Ravalomanana, point. Après tout, c’était un affrontement entre deux adversaires, il a gagné et son pouvoir peut être légitime. Sauf que, jamais dans l’histoire de la Grande Ile, l’on a connu une situation ayant mené le pays au bord de la guerre civile et de l’éclatement sécessionniste et ethnique. Un mal profond s’était installé dans le pays, d’où la nécessité, à l’époque, de mettre en place une réconciliation nationale. Mais ce malaise, le pouvoir Ravalomanana l’avait complètement ignoré. En incarnant la fonction de président de la République, Marc Ravalomanana devait rassembler sauf qu’il n’avait jamais abandonné sa cape de chef de guerre vainqueur opprimant ses ennemis vaincus. Il avait au passage oublié que ces ennemis-là n’étaient autres que des Malgaches. Sous prétexte de vouloir pacifier le pays, tout avait été une raison pour emprisonner, torturer, assassiner, humilier les adversaires politiques et les partisans de Ratsiraka étiquetés « milice ». On était plus proche de la division que de la pacification et du rassemblement. La voix de l’opposition de l’époque Albert Zafy dénonçait avec force ces agissements et réclamait au pouvoir, après avoir créé le CRN (Conseil pour la Réconciliation Nationale), la tenue d’une réconciliation nationale mais le pouvoir Ravalomanana n’entendait rien. Pour Ravalomanana de l’époque, cela n’était pas nécessaire car « Madagascar n’était pas en guerre » dixit l’ancien président de la République. Soit, mais alors, que dire des affrontements armés ayant entraîné des centaines de morts, que dire des emprisonnements et arrestations arbitraires ayant brisé des familles, que dire des prisonniers politiques laissés pour morts en prison sans soins, que dire des humiliations subies par les insoumis du pouvoir ou encore que dire de l’attitude mettant perpétuellement les Malgaches en opposition… De multitudes de signes laissaient à croire que Marc Ravalomanana devait à l’époque tenir cette fameuse réconciliation nationale ayant pu éviter à Madagascar une énième crise. Car la suite, on la connaît et elle était inévitable, la crise de 2009 entraînant sa chute et le pays dans une longue transition sans précédent. D’aucuns disent que la France était derrière la crise de 2009 car Paris voulait à tout prix le faire « tomber ». C’était bien le cas mais une puissance étrangère ne peut intervenir que lorsque le régime en place commet des erreurs flagrantes en matière de démocratie, de bonne gouvernance ou encore de droits de l’Homme. Et les faux pas en ces matières, le pouvoir de l’époque les a tous et bien accumulés.

Ironie du sort

Aujourd’hui, la donne est toute autre pour Marc Ravalomanana. Celui qui n’avait jamais voulu et qui avait toujours renié la réconciliation nationale s’assied autour d’une table pour en discuter. Lors de sa période d’exil en Afrique du Sud, il a maintes et maintes fois claironné la nécessité de tenir cette réconciliation nationale. Ironie du sort. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis dit-on ; son amnésie mérite d’être saluée parce que il est évident que le pays a besoin de tenir la réconciliation nationale. Seul le FFKM a su mobiliser pour l’initier en commençant par le sommet des cinq (les anciens Chefs de l’Etat et Hery Rajaonarimampianina) mais le doute s’installe peu à peu pour son succès. Albert Zafy et Andry Rajoelina se sont retirés des concertations pour des raisons qui restent encore inconnues mais qui doivent bien exister. Ce qui déleste l’initiative en légitimité car déjà, dès le début du sommet, une grande majorité de la classe politique réclame l’élargissement des concertations au-delà des cinq personnalités et l’implication du FFM (Conseil de la réconciliation malagasy), une institution à part entière incluse dans la 4ème République. Mais celle-ci est minée par des divisions internes et politiques d’où son incapacité à agir ; toutefois, elle revêt un statut légal pour revendiquer l’organisation de la réconciliation nationale. Sur la forme également, la décision du FFKM de ne retenir que les 5 personnalités dans un premier temps n’endosse pas le caractère national que requiert l’événement bien que ça soit les personnalités qui ont tenu les plus hautes responsabilités du pays et surtout responsables de la situation dans laquelle se trouve le pays. Ou alors il aurait fallu rendre public les débats comme l’avait suggéré un temps Didier Ratsiraka. Aussi, sur le timing, la tenue de cette réconciliation nationale interpelle. Elle intervient après l’instauration d’un nouveau pouvoir. Elle aurait dû avoir lieu bien avant les élections mais la détermination de la communauté internationale à vouloir faire passer coûte que coûte les élections pour une sortie de crise en a peut-être décidé autrement. Qu’en sera-t-il ainsi s’il résulte de la réconciliation nationale la nécessité de revenir sur une transition pour un apaisement inclusif et un avenir meilleur pour la nation ? On imagine mal le pouvoir actuel accepter sans coup férir une telle démarche. D’aucuns interprètent déjà avec suspicion la volonté de la Présidence de la République de prendre en charge les dépenses liées à l’organisation de la manifestation comme un acheminement vers une résolution biaisée de la réconciliation nationale. La nomination du Premier ministre Jean Ravelonarivo, étant un proche de l’Amiral Ratsiraka et le soutien sans failles de Ravalomanana au gouvernement en place montrent pour quelques observateurs des signes de complaisance sur des négociations sous cape autour de la réconciliation nationale, bien éloignés de l’esprit rassembleur pour les Malgaches. Quoiqu’il en soit, le FFKM persiste dans sa démarche et la réconciliation nationale s’est « décentralisée » dans toutes les régions de l’Ile pour recueillir les attentes du peuple. La suite et l’avenir nous diront si le FFKM se trouve sur la bonne voie ; car le pays a vraiment besoin de la réconciliation nationale, c’est une évidence, pouvoir tenir la bonne, ça en est une autre.

EDDY RABE

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