Le stade de Mahamasina, lieu où s'est produit l'acte terroriste du 26 juin 2016 ayant fait provisoirement 2 morts et 86 blessés. Photo: panoramio.com
Stupeur, indignation, horreur, colère ou encore inquiétude. Les mots ne manqueront pas, dans les jours à venir, pour qualifier l'acte ignoble perpétré hier aux alentours de 19h00 au stade de Mahamasina (Antananarivo) faisant, selon un bilan provisoire, 2 morts et 86 blessés. Il s'agit, selon les premiers éléments de l'enquête, d'une grenade offensive lancée en direction de la foule, venue assister à un concert gratuit dans le stade, dans le cadre de la célébration de la fête de l'indépendance. La goupille de la grenade a été retrouvée sur place et c'est la déflagration qui a causé autant de blessés. Au vu des faits, il s'agit ni plus, ni moins d'un acte terroriste. Un acte lâche et odieux comme l'est toujours un acte terroriste et lorsque des gens innocents en sont les victimes. Bien que, au moment nous mettons en ligne ce post, le méfait n'ait pas encore été revendiqué, l'hypothèse d'un acte de déstabilisation politique a été avancée par les premiers éléments de l'enquête. D'autant que les autorités affirment qu'elles auraient également déjoué un acte terroriste du même type en appréhendant, hier dans la matinée, l'une des personnes ayant lancé une grenade dans le jardin d'Anosy, qui, heureusement, n'a pas éclaté. Un autre fait similaire a été aussi signalé par les autorités. Il s'est produit la veille de la fête nationale et visait le Sénat. Cette fois-ci une grenade a été lancée dans l'enceinte du parking de la Chambre Haute sans faire de victimes, par ailleurs, mais endommageant quelques véhicules. Manifestement, ces actes sont prémédités et au vu du mode opératoire, ils ont été étudiés pour marquer, terroriser l'opinion publique dans le but de faire valoir une revendication de grande envergure; et si la thèse politique est confirmée, l'objectif vise ostensiblement la déstabilisation du pouvoir en place. Le moment n'est pas anodin non plus, le 26 juin, fête nationale, symbole de la souveraineté nationale donc l'Etat. Quoi de plus symbolique que de porter un coup à l'Etat un jour où il est censé être célébré. La volonté de tuer aussi et tuer le plus possible pour terroriser l'opinion et affaiblir l'Etat rentre certainement dans l'intention des auteurs de ces actes. Le 26 juin étant une fête très appréciée par les Malgaches, les attroupements et les rassemblements de foule comme ce concert à Mahamasina sont légion, non seulement à Antananarivo, mais aussi dans toute l'étendue du pays.
Actes inqualifiables
Mais une fois la stupeur passée, l'on est en droit de se poser des questions sur la motivation des auteurs de ces actes de terrorisme. Quelle cause politique, aussi noble soit-elle, mérite-elle de sacrifier des vies innocentes malgaches? Ces actes sont inqualifiables et doivent être punis d'une manière exemplaire. Faut-il pour cela préciser que les deux victimes sont juste âgées de 16 et 18 ans. Deux jeunes, à la fleur de l'âge, qui n'ont rien demandé, et peut-être même, ne se préoccupent pas du tout de ces turpitudes de la politique malgache mais qui ont eu juste le tort de faire la fête, célébrer l'indépendance de leur pays, au mauvais moment, au mauvais endroit. Pour une fois, l'Etat doit se montrer ferme dans l'exemplarité pour endiguer ces barbaries car, visiblement, des individus très malintentionnés s'inspirent de méthodes meurtrières venues d'ailleurs pour faire passer leur opinion et occuper le débat politique. La base de la culture politique malgache n'a jamais été d'une expression violente bien qu'on ait toujours eu à déplorer des victimes lors de nombreuses crises politiques cycliques. Aujourd'hui avec ce qui s'est passé à Mahamasina, la ligne rouge a, semble-t-il, été franchie. Mais au-delà de la psychose créée par ces terreurs auprès de l'opinion publique, beaucoup d'observateurs craignent, à présent, la réaction du pouvoir. Un pouvoir déjà paranoïaque et sécuritaire ne risque-t-il pas de s'appuyer sur ces actes terroristes pour se livrer dans des actions totalitaires? Des signes perturbants avant même ces actes du 26 juin ont déjà semé le trouble dans l'esprit des plus sceptiques. La justice est ici appelée à jouer pleinement son rôle dans la conduite de l'enquête et dans l'interprétation du droit. C'est par elle que passera l'apaisement des douleurs des familles des victimes et celles des blessés qui ont vu leurs vies basculer ce jour du 26 juin 2016. Sur les ondes de la Radio France Internationale (RFI), le Premier ministre, Mahafaly Solonandrasana Olivier a déjà prévenu qu'il prendrait des mesures drastiques pour faire la lumière sur cette affaire. Souhaitons surtout qu'il fasse le nécessaire pour protéger les Malgaches car avec l'insécurité ambiante en ville comme en brousse, le terrorisme alourdira encore plus leur angoisse; le tout dans un environnement socio-économique très pénible. Il faudra surtout espérer qu'il ne considère les actions anti-terroristes comme un blanc-seing pour régler ses vieux comptes politiques.
EDDY RABE