Sans grande surprise depuis mercredi dernier, Kolo Roger a été nommé Premier ministre. Telle aura été la décision du Président de la République ce 11 avril 2014. Ce natif du Menabe devient donc le premier Chef du gouvernement de la IVème République de Madagascar après près de 3 mois de tractations houleuses entre le Président de la République, Hery Rajaonarimampianina et le MAPAR de Andry Rajoelina. Kolo Roger incarne donc aux yeux du Président de la République cet homme de confiance et de consensus dans l'esprit de la réconciliation nationale capable d'appliquer sa politique de développement; critère fondamental à requérir selon lui pour les postulants de Mahazoarivo. Cette notion de confiance est d'ailleurs établie naturellement dans la mesure où le nouveau Premier ministre est l'un des deux candidats qui, après avoir été écartés par la Cour Electorale Spéciale (CES) à la course à la Magistrature suprême, ont choisi Hery Rajaonarimampianina pour les remplacer. Et la suite, on la connait.
Pour le Président de la République, le nouveau Premier ministre répond bien à l'interprétation de l'article 54 de la Constitution de la IVème République de Madagascar qui stipule que le Premier ministre devra être issu des partis politiques ou groupements de partis politiques majoritaires au sein de l'Assemblée Nationale avec, selon toujours le Chef de l'Etat, 13 groupements de partis politiques et 93 députés qui l'ont proposé. A l'entendre, jusqu'au bout donc, Hery Rajaonarimampianina a tenu tête au MAPAR et s'est tourné vers une autre démarche pour ne pas nommer un de ses poulains. Tous les regards se tournent donc à présent vers le MAPAR et de tous les courants politiques encore proches de Andry Rajoelina. Vont-ils intégrer le nouveau gouvernement et le soutenir ou se reverseront-ils vers une opposition du nouveau pouvoir qui commence à prendre forme. Le Chef de l'Etat a déjà annoncé que le prochain gouvernement reflèterait la réconciliation nationale. Tout le monde l'entendra-t-il ainsi?
La position du MAPAR
En attendant, le nouveau Premier ministre est nommé et il était temps. Ouf, diront certains; tout ce temps pour ça, s'écrieront d'autres. En effet, pourquoi avoir attendu quasi 3 mois, pour, au final, choisir Kolo Roger? En fait, Hery Rajaonarimampianina, craignait le MAPAR tout en voulant s'en détacher et marquer une rupture. Il a voulu s'approprier des soutiens au sein de la Chambre Basse pour ne pas succomber à la pression du MAPAR et de son "boss", Andry Rajoelina. Mais la manoeuvre de Hery Rajaonarimampianina, bien qu'elle ait réussi, demandait beaucoup de temps étant donné que le Président de la République ne dispose pas de base politique affirmée. D'un côté, dans une stricte réalité, nommer Kolo Roger aujourd'hui ou dès la fin du mois de janvier nous ramènerait toujours à la situation politique actuelle. Les observateurs politiques vont à présent scruter avec une grande curiosité le vrai visage de l'Assemblée Nationale ainsi que la position et la réaction du MAPAR avec cette nomination.
Non-maîtrise du malgache et double nationalité
Mais ce qui relève de l'unanimité dans la nomination de Kolo Roger, c'est son profil de nouvel homme dans la classe politique malgache, et ce fut également un critère vivement souhaité par la communauté internationale. Pour le nouvel homme fort de Mahazoarivo, cela peut se révéler comme un atout car ça pourrait l'aider à se forger une carapace face aux vicissitudes de la pratique politique à Madagascar et lui permettrait d'apporter un souffle nouveau dans la conduite et la gestion des affaires nationales. En tout état de cause, il devrait faire preuve de caractère et de poigne associée à un subtil mélange de tact pour appréhender et contenir les tribulations des politiciens malgaches. L'homme est réputé pour le respect des valeurs. Des valeurs fondées sur l'apprentissage et le savoir qu'il a acquises durant toutes ses formations, depuis son "Menabe" natal, en passant par Maintirano et Majunga, jusqu'en France et en Suisse. En ces temps où Madagascar plonge inexorablement dans la pauvreté, les observateurs attendent avec impatience qu'il imprègne les responsabilités de la nation de la réussite qu'il a connue dans sa carrière de médecin de radiologie. Kolo Roger fait en effet partie du cercle de la diaspora qui a réussi; en parfait self-made man, il a créé des centres de radiologie et d'imagerie en Suisse dont certains font partie du fleuron dans le domaine à Genève. Mais dès la semaine prochaine lors de sa prise de fonction, il devra déjà composer avec la réalité et les difficultés; l'état de grâce n'aura pas lieu et le MAPAR ne l'épargnera pas dès que l'occasion se présente. Le nouveau Premier ministre ne fait pas l'unanimité et il doit en être conscient pour pouvoir séduire et faire passer sa politique générale. Ce sera le premier test pour lui face aux critiques qui fusent déjà, alors qu'il n'est même pas encore installé à Mahazoarivo et à seulement 48 heures après sa nomination. Et au-delà des arguments purement politiques, les critiques portent sur tout et rien dont sa non-maîtrise du malgache ou encore sa double nationalité (malgache et française). Pour ce qui est de la langue, Kolo Roger ne maîtrise peut-être pas le malgache officiel proche du dialecte du centre mais il parle parfaitement la langue du Menabe, son dialecte, qui, jusqu'à preuve du contraire, fait partie de la langue malgache et parfaitement compréhensible par tous les Malgaches. Quant à sa double nationalité, il n'est pas le premier et le seul à jouir de ce statut à avoir été nommé Premier ministre à Madagascar. Tous les régimes successifs sans exception a connu son Chef du gouvernement franco-malgache, ce n'est point une originalité pour ce nouveau. Quoi qu'il en soit, il semble évident que le nouveau maître de Mahazoarivo n'aura pas la tâche facile. Première épreuve: la composition du gouvernement qui sera annoncé en début de semaine prochaine.
Eddy Rabe
Kolo Roger, le nouveau Premier ministre de Madagascar posant ici dans un de ses cabinets de radiologie et d'imagerie en Suisse. Ces cabinets qu'il a créés en partant de rien sont le reflet parfait de sa réussite professionnelle. Malgré le scepticisme ambiant suscité par sa nomination, beaucoup attendent qu'il insuffle cette réussite dans la conduite des affaires de la Nation.