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Neuf mois après l'élection de Hery Rajaonarimampianina en tant que Président de la République, Madagascar se trouve toujours dans une grande incertitude économique et socio-politique. Tant d'espoirs ont pourtant été fondés sur la sortie de crise soldée par les élections présidentielle et législatives après 5 années de transition où régnèrent marasme, corruption, insécurité, trafics et pillages en tous genres. D'autant que le nouveau président a promis monts et merveilles pendant sa campagne électorale et lors de son discours d'investiture pour sortir au plus vite le pays de la situation insoutenable dans laquelle il avait été plongé pendant la crise politique. Aujourd'hui pourtant, les observateurs constatent avec consternation que, outre la reconnaissance internationale accordée au nouveau pouvoir et la dotation du pays de nouvelles institutions légales, peu de choses ont changé dans la gestion du pays. L'économie ne semble pas se relever, au contraire; l'insécurité est toujours là et le petit peuple peine autant à joindre les deux bouts, non pas à la fin de chaque mois mais carrément dans le quotidien. Tandis que les dignitaires et autres privilégiés vivent toujours autant dans l'inconscience de l'impunité et de l'opulence avec en toile de fond trafics de bois de rose et divers pillages des richesses naturelles du pays. Bref, rien n'a changé. Madagascar ne semble pas avoir tourné la page de la transition.
Le plagiat du discours de Nicolas Sarkozy par Hery Rajaonarimampianina lors de la cérémonie d'investiture de ce dernier en janvier serait-il un signe annonciateur de la déconvenue du début de mandat de ce nouveau pouvoir? En tout cas, il a indiqué l'amateurisme et le tâtonnement de la nouvelle équipe dirigeante face aux défis nécessaires pour relever Madagascar. En neuf mois de pouvoir, Hery Rajaonarimampianina n'a pas encore su donner un cap, notamment économique, pour insuffler une mobilisation nationale dans une dynamique de relance. Il est vrai que Madagascar reste tributaire des aides multilatérales et bilatérales mais ces aides, constituées en grande majorité de prêts, doivent soutenir une ligne politique bien définie avec des objectifs réels pouvant mener à une croissance inclusive. C'est l'inverse qui se produit actuellement avec le pouvoir Rajaonarimampianina. On attend les aides pour pouvoir définir une politique de développement. D'ailleurs, au vu de la situation, les bailleurs de fonds étrangers traînent des pieds pour débloquer les sommes promises à Madagascar au lendemain de la reconnaissance internationale. Ils sont hésitants et surtout s'inquiètent de l'attitude apathique du gouvernement. Il faut définir des priorités, un cap. Pour Hery Rajaonarimampianina tout est prioritaire, ce qui prête à confusion. Certes à Madagascar tout est à réformer mais il faut savoir cibler les vraies priorités qui peuvent servir de locomotives pour tous les autres secteurs de développement. Pour les observateurs avisés de la vie politique malgache, la situation ne peut être surprenante. Il faut remonter la cause lors de la campagne électorale. Sur les 33 candidats qui ont concouru pour briguer la magistrature suprême, rares ont été ceux qui ont su proposer un programme visible, sincère, réaliste et rationnel. Tous ont promis de relever le pays mais ont omis d'expliquer, sur fond de spectacles, de distribution d'argent et de t-shirts, comment. Et Hery Rajaonarimampianina en faisait partie. Il fut en effet lointain le temps où lorsqu'on sillonnait les quatre coins du pays, le temps d'une campagne électorale, les promesses électoralistes peuvent être dites à foison. La realpolitik a rattrapé le candidat Rajaonarimampianina. Aujourd'hui, le constat est affligeant. Aucun signe palpable, du moins sur la vie quotidienne des Malgaches, n'a été visible sur la relance promise par le pouvoir, neuf mois après. Au contraire, les tâtonnements s'accumulent. Sinon comment expliquer le fait que le gouvernement fut enjoint par la communauté internationale à établir un plan national de développement (PND) en contrepartie des décaissements des fonds après neuf mois de la prise de fonction du pouvoir. Le ministre de l'économie s'en défend en martelant qu'il s'agit là d'une initiative nationale et gouvernementale. Certes, mais neuf après, au vu de la situation du pays, ce n'est pas normal voire inadmissible. Tout comme il n'est pas normal qu'un gouvernement loué par son chef, le Premier ministre Kolo Roger, comme un gouvernement de combat ne parvient toujours pas à trouver du crédit, de par ses actions, aux yeux des Malgaches ou face à la communauté internationale. L'apathie de ce gouvernement contraste d'ailleurs avec ses ambitions qui prônent une croissance à 7% contre 3 préconisée par les analystes d'ici à la fin de l'année lors de la présentation de sa politique générale devant l'Assemblée Nationale. Quand on se doit d'être ambitieux, on se donne les moyens de l'être. Ce qui n'est pas le cas car c'est un gouvernement coupé de la réalité faute d'axe d'orientation, de mobilisation et même de leadership. La politique générale qu'il a accouchée s'en est fortement ressentie avec un programme hasardeux et irréaliste.
Sans parti politique et sans député élu
L'autre handicap de ce nouveau pouvoir se fonde même sur sa constitution. Ce nouveau Chef de l'Etat avait été mal élu. Mal élu dans la mesure où, sur la forme, il n'a recueilli que plus de 2 millions de voix sur 7 millions d'électeurs inscrits pour un pays qui compte plus de 20 millions d'habitants. Au vu de ces chiffres, l'on peut constater que Hery Rajaonarimampianina n'a accédé au pouvoir que sur l'approbation de 1/10 de Malgaches. Sur le fond, l'organisation des élections n'a pas bénéficié de l'adhésion de toutes les forces politiques malgaches. C'étaient des élections voulues et imposées par la communauté internationale afin de pouvoir sortir le pays de la crise. Aussi, il ne faut pas oublier que Hery Rajaonarimampianina fut un candidat par défaut suite à l'exclusion de la candidature de Andy Rajoelna. Aussitôt élu, il aurait dû rassembler d'autant que, même son adversaire au second tour, Jean-Louis Robinson et la mouvance Ravalomanana ne sont pas rentrés dans l'opposition. Mais le pouvoir s'est empressé d'asseoir son emprise; d'abord, en se dissociant du Mapar, principale mouvance qui a désigné et soutenu Rajaonarimampianina comme candidat; ensuite, en s'attelant plus à mettre en place son propre parti politique le HVM dans la perspective d'une réélection qu'à se pencher aux préoccupations du pays. En effet, fait rare et inédit dans un pays dit démocratique, Hery Rajaonarimampianina a été élu... sans parti politique et sans député élu au sein de l'Assemblée Nationale, mais a pu nommer un Premier ministre non issu de la majorité. Une majorité, faut-il le rappeler, dans la pratique politique malgache est à géométrie variable en fonction du pouvoir en place. Hery Rajaonarimampianina a donc tiré son épingle du jeu dans cette cacophonie politique; et le temps qu'il a fallu pour nommer le Premier ministre- un peu plus de 2 mois- illustre bien cette mascarade. Mais ce scénario politique a fait que le pouvoir avait oublié l'essentiel, c'est-à-dire, se préoccuper du sort des Malgaches dont les 90% vivent en-dessous du seuil de la pauvreté. L'Etat est dépassé sur tous les fronts de la guerre aux maux du pays. L'inflation n'est pas maîtrisée, l'euro frôle les 16.000 Fmg, le délestage en électricité bat son plein et touche tout le territoire sauf à Antananarivo et à Antsirabe (à rappeler que le président Rajaonarimampianina a promis d'éradiquer les délestages en 3 mois lors de son investiture) avec comme fond la Jirama en cessation de paiement, la compagnie aérienne Air Madagascar, dont Hery Rajaonarimampianina fut son président du conseil d'administration avant son accession au pouvoir, se trouve en pleine déconfiture, l'insécurité urbaine et rurale grandit, les trafics de bois de rose continuent, l'invasion acridienne prend refuge au coeur de la ville d'Antananarivo... Bref, tout ce qui a été cité comme causes de la déchéance du pays lors de la transition persistent toujours, à presque 1 ans de l'instauration de ce nouveau pouvoir. Certes, Hery Rajaonarimampianina dispose d'un mandat de 5 ans, et ses partisans vont vouloir affirmer qu'il est trop tôt pour le juger; mais, dans le cas de Madagascar, l'extrême urgence est de rigueur et il est permis justement d'agir très tôt. Et ce traitement de choc pour une volonté et une détermination d'aller de l'avant, de mobiliser, manque beaucoup à Hery Rajaonarimampianina. Le gouvernement est plus dans la réaction que dans l'action. D'ailleurs face à l'urgence, certaines voix politiques de tous bords demandent un remaniement; et même la communauté internationale y va de sa petite requête en se posant la question s'il n'est pas aujourd'hui nécessaire de mettre en place un gouvernement d'union nationale. Comme Marc Ravalomanana en 2002, Hery Rajaonarimampianina dispose d'atouts pour relever le pays, avec comme avantages communs pour tous les deux le soutien des bailleurs de fonds internationaux. Mais comme son prédécesseur, il se trompe de ligne politique et n'a pas su fédérer la nation derrière une politique d'union nationale. Hery Rajaonarimampianina clame à tout va la réconciliation nationale mais quand on sait qu'il a renié son propre camp qui l'a conduit au pouvoir, le doute est permis. Tout comme il l'est sur la conduite du pays menant à une question légitime de beaucoup de Malgaches: où va ce pays?
Eddy Rabe