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Monjangaia

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C'est un blog d'informations et d'analyses sur l'actualité internationale en général, et, malgache, en particulier.

Publié le par Eddy Rabe
Claudine Razaimamonjy, entourée ici des forces de l'ordre lors de son arrestation au Palais des Sports et de la Culture à Mahamasina le lundi 03 avril 2017.

Claudine Razaimamonjy, entourée ici des forces de l'ordre lors de son arrestation au Palais des Sports et de la Culture à Mahamasina le lundi 03 avril 2017.

Depuis le 03 avril dernier, Claudine Razaimamonjy, richissime opératrice économique et non moins conseillère spéciale du Président de la République (PRM) n'arrête pas de défrayer la chronique. De son arrestation spectaculaire au Palais des Sports et de la Culture de Mahamasina à sa grotesque évacuation sanitaire digne d'une exfiltration d'un polar d'espionnage à deux sous, elle a mobilisé l'attention et l'effervescence de l'opinion publique malgache tant le récit de cette semaine rocambolesque liée à son arrestation frise l'invraisemblable.      

L'information a fait le buzz sur les réseaux sociaux dès la publication des premières photos sur Facebook, Claudine Razaimamonjy a été appréhendée par des éléments des forces de l'ordre au Palais des Sports et de la Culture à Mahamasina en plein match de l'équipe dont elle est propriétaire. Oui, la puissante Claudine Razaimamonjy, conseillère spéciale du Chef de l'Etat et proche du couple présidentiel arrêtée dans un lieu public, il y a en effet de quoi créer un buzz. D'autant que, au-delà de la sensation de son arrestation, elle a vivement invectivé les éléments des forces de l'ordre en demandant à appeler le Premier ministre (PM) et en leur posant la question s'ils la connaissent, ce qui a encore plus attiré l'attention de la foule présente sur les lieux. Mais les enquêteurs du BIANCO (Bureau Indépendant Anti-Corruption) qui ont réquisitionné les forces de l'ordre sont allés au bout de leur mission. La conseillère du PRM a été gardée à vue avant d'être déférée devant le juge de la Chaîne pénale anti-corruption qui l'a mise en examen et mise sous détention préventive pour, entre autres, détournement de fonds publics, blanchiment d'argent et favoritisme dans l'attribution de marchés publics. L'affaire qui l'inquiète remonte depuis la transition et implique des sommes s'élevant à plusieurs dizaines de milliards d'Ariary. L'opinion publique, entretemps tenue en haleine par l'affaire, a poussé un ouf de soulagement et n'a pas manqué de féliciter les efforts du BIANCO et de la Justice, pointés du doigt de ne se constituer, jusqu'ici, que comme des zélateurs du pouvoir. Une opinion qui a surtout craint d'être, une fois de plus, le spectateur impuissant d'un simulacre judiciaire comme la justice malgache sait bien le faire. Cette fois-ci, elle n'a pas cédé. Elle a osé prendre les devants et a accompli son rôle comme il se doit en traitant celle que l'on qualifiait encore "d'intouchable" comme tout justiciable malgache. En amont aussi, le BIANCO n'a pas cédé. Il n'a pas cédé malgré la sortie médiatique des plus scandaleuses et ridicules du ministre de la justice, Garde des Sceaux, Charles Andriamiseza, magistrat de carrière de surcroît, qui s'est fourvoyé en avocat de la milliardaire en fustigeant le bureau anti-corruption de n'avoir pas respecté les lois dans l'arrestation spectaculaire et surtout d'avoir prorogé la garde à vue. Faut-il rappeler que Claudine Razaimamonjy a déjà été convoqué à deux reprises par le BIANCO mais elle n'a pas daigné donner suite aux convocations se réfugiant derrière son statut de privilégiée et dame du palais. Et en s'empressant de voler à son secours, sous la pression de la Présidence selon certaines indiscrétions, le ministre de la justice a tout simplement oublié qu'il était Garde des Sceaux, garant de l'indépendance de la Justice et de l'Etat de Droit. Sous d'autres cieux, il aurait été déjà envisagé de réclamer sa démission. Le BIANCO n'a pas également cédé malgré les intimidations du sénateur, vice-président du Sénat, Riana Andriamandavy VII. Ce beau-frère de Dame Razaimamonjy n'est pas allé par quatre chemins pour mettre la pression au BIANCO en faisant venir des hommes de Fianarantsoa pour les faire manifester devant les bureaux de l'institution afin de réclamer purement et simplement la libération de la prévenue, et ce, parfois avec violence en caillassant les façades de l'enceinte du BIANCO. Une initiative dépassant l'entendement venant d'un législateur, qui, plus est, vice-président de son institution, censée garantir la séparation des pouvoirs. Des voix s'élèvent et non des moindres, entre autres, le Procureur général près la Cour d'Appel d'Antananarivo, Randrianasolo Joseph pour lancer une enquête contre Riana Andriamandavy VII. Et selon les dernières informations, certains de ses collègues au sein du Sénat crient également au scandale et n'hésitent pas à évoquer la levée de son immunité parlementaire. 

Evasion

Toutefois, le théâtre ou le cinéma, cela va de soi, a quand même eu lieu. En effet, à l'énoncé de son mandat de dépôt par le juge, Claudine Razaimamonjy s'est évanouie et a été évacuée illico presto au CHU HJRA sans même attendre l'avis du médecin de l'administration pénitentiaire. Son image agonisante sur civière qui a fait la une des journaux montre à quel point l'annonce d'une incarcération est quasi-létale pour cette catégorie de gens à Madagascar; ça a au moins le mérite d'éviter la surpopulation carcérale, si l'on se permet une pointe d'humour, mais sûr que ça fait moins rire les "petits justiciables" qui n'ont presque pas droit aux soins en prison. C'était le vendredi 07 avril. Mais quelle fut la stupéfaction de tous en apprenant l'évacuation sanitaire de la propriétaire de l'hôtel A&C (complexe hôtelier des plus modernes et des plus luxueux à Antananarivo appartenant à Claudine Razaimamonjy) vers l'Ile Maurice pour une soi-disante angiographie cérébrale le lundi 10 avril aux aurores. Les informations recueillies ont révélé qu'elle avait regagné l'Ile soeur accompagnée d'un médecin, d'un agent pénitentiaire et du sénateur Riana Andriamandavy VII à bord d'un avion privé. La situation rocambolesque de cette évacuation sanitaire expéditive a mis dans l'embarras la directrice du CHU HJRA qui s'est défendue en arborant une note émanant des ministères de la santé et de la justice. Rappelons que l'autorisation d'évacuation sanitaire nécessite au moins une semaine de procédure et à voir la célérité avec laquelle la conseillère de Hery Rajaonarimampianina a obtenu la sienne, l'on est en droit de se poser des questions sur une éventuelle intervention en haut lieu. Mais le plus grave, c'est que Claudine Razaimamonjy était sous le coup d'un mandat de dépôt ce qui la place légitimement sous une interdiction de sortie du territoire. Tant bien même que l'évacuation sanitaire est justifiée, elle doit passer par les avis des médecins du ministère de la justice et de l'administration pénitentiaire et être soumise à la décision du Procureur général. Ce qui, visiblement, n'a pas été le cas au vu des faits et de la chronologie des événements. Pris de court comme l'ensemble des observateurs, le Syndicat des Magistrats de Madagascar (SMM), par la voix de sa présidente, Faniry Erinaivo, s'est insurgé lors du constat des faits au centre hospitalier en qualifiant l'acte d'évasion. Le SMM a d'ailleurs appelé à l'ouverture d'une enquête et à la poursuite de ceux qui se sont rendus complices de cette évasion. Par ses déclarations, le SMM a dit tout haut ce que l'opinion pense tout bas: l'évacuation sanitaire de Claudine Razaimamonjy n'est autre qu'une évasion ou une exfiltration, cela va de soi, diligentée en haut lieu avec la complicité et l'aval des hauts responsables du pays. On prête d'ailleurs les présences de hautes personnalités au HJRA lors de l'évacuation sanitaire vers l'Ile Maurice telles Rivo Rakotovao, président national du HVM, parti présidentiel dont Claudine Razaimamonjy est membre fondatrice et grande contributrice financière ainsi que les ministres de la santé et de la justice (encore lui). Mais le pire est intervenu lors de l'interview du Procureur général, Randrianasolo Joseph, sur l'affaire. Ce dernier a affirmé qu'il avait émis, à la demande du BIANCO, deux interdictions de sortie du territoire (IST) à l'encontre de Claudine Razaimamonjy au mois de novembre 2016 et au 07 avril dernier. Ce haut magistrat n'a d'ailleurs pas non plus hésité à qualifier l'acte d'évacuation de la conseillère du PRM comme une évasion tout en pointant du doigt sans la nommer la complicité des caciques du pouvoir.  

Le pouvoir a raté le coche

Pour de nombreux observateurs, les actions du BIANCO et de la justice malgache dans cette affaire Claudine Razaimamonjy figuraient comme un signe fort du pouvoir à lutter contre la corruption et à affirmer sa volonté à instaurer l'Etat de Droit. Le BIANCO étant lui-même un organe sous tutelle de la Présidence. Pourtant, les faits relatés ci-dessus ont montré qu'il n'en était rien. Hery Rajaonarimampianina a manqué là une occasion précieuse de sauver une infime crédibilité de son quinquennat. Sa clique et lui ont raté le coche. Son mutisme depuis le début de l'affaire en dit aussi long pourtant il s'agit d'une de ses conseillers spéciaux. Et que dire du silence du Premier ministre, Chef du gouvernement, Mahafaly Solonandrasana Olivier? Lui, dont le nom est cité dans l'une des affaires mettant en cause Claudine Razaimamonjy et qui se trouve à la tête d'un gouvernement dont des membres ont commis des bévues monumentales face à cette affaire. C'est un secret de polichinelle, la communication n'a jamais été le point fort de ce pouvoir mais là, le summum semble atteint. Soit l'incompétence est plus qu'avérée, soit le pouvoir a une fois de plus pris les Malgaches pour des imbéciles. Comme la conférence de presse de la Police de l'Air et des Frontières (PAF) intervenue hier 13 avril soit 72 heures après la sortie du territoire de Claudine Razaimamonjy. Son premier responsable affirme n'avoir pas en sa possession les deux IST émises au nom de Claudine Razaimamonjy tout en se dédouanant en affirmant haut et fort que tous les documents qui leur ont été présentés étaient en règle pour une évacuation sanitaire et que le rôle de la PAF était aussi d'assister une personne nécessitant une évacuation si le médecin le certifie. Tout est dit. Mais si c'était pour dire des âneries pareilles, la PAF aurait mieux fait de rester dans son silence car ça ridiculise encore plus l'image du pays. Il s'agit bien donc d'une manoeuvre organisée à tous les échelons pour faire sortir du pays une personne susceptible d'être inculpée dans une affaire pouvant impliquer de hautes personnalités et d'une personne embarrassante avec laquelle les gouvernants de ce pouvoir se sont beaucoup servi impunément des richesses de Madagascar. Il s'agit tout simplement d'une affaire de haute corruption et de vols organisés au sein de l'Etat passible de lourdes sanctions pénales dont la principale actrice risque d'échapper à tout jamais à la justice tant que ce pouvoir est en place comme ce fut le cas de l'affaire Bekasy. Claudine Razaimamonjy va s'évaporer dans la nature comme Bekasy, ce trafiquant de bois de rose corrupteur du pouvoir aussi en son temps. Des médias malgaches ont annoncé qu'elle avait déjà quitté la clinique où elle avait été admise à l'Ile Maurice, en bonne santé et bien portante, et qu'elle aurait même déjà rejoint la Turquie. Si ces informations sont confirmées, il est là le signe qu'on ne la reverra pas de sitôt. Et comme toujours certains médias, ces deux enfants avaient déjà quitté la Grande Ile pour la... Turquie dès le lundi 10 avril dans l'après-midi, soit quelques heures après "l'évasion" de leur mère; la boucle est bouclée. Il est peut-être grand temps que les forces vives de la nation se mobilisent pour réclamer un Etat de Droit et l'éradication de la corruption. Le simple citoyen, les sociétés civiles, les corporations en tous genres, les associations régionales et sociales, la diaspora... etc, tous doivent se dresser contre ces agissements honteux et malveillants de nos dirigeants. Où sont les parlementaires? C'est peut-être le moment aussi pour eux de se dévoiler et de ne pas se constituer complices en menant des enquêtes de fond sur les affaires de corruption de grande envergure impliquant de hauts responsables du pays. La communauté internationale doit également, pour une fois, laisser de côté ses intérêts et penser aux 90% de Malgaches qui croupissent d'année en année dans la pauvreté en mettant la pression à ce pouvoir qui ne pense qu'à se remplir les poches. Un devoir collectif doit s'ériger de cette affaire Claudine Razaimamonjy. Il doit montrer aux dirigeants que plus jamais la corruption ne doit rester impunie et que l'Etat de Droit doit être instauré. En premier acte, il faut mettre la pression à l'Etat malgache par tous les moyens pour qu'il demande l'extradition de Claudine Razaimamonjy où qu'elle se trouve comme l'a déjà fait Hajo Andrianainarivelo, président du parti de l'opposition MMM, auprès des autorités mauriciennes. Il y va aussi de l'honneur de Madagascar car, une fois de plus, dans ce quinquennat de Hery Rajaonarimampianina, ce pays est la risée du monde. Certes, on a connu le droit et la justice inexistants dans le pays mais cette fois-ci, ce sont les autorités elles-même qui ont démontré par leurs subterfuges que c'est une vraie république bananière. A force d'être dirigés par une clique de mafieux, nous avions eu droit à une évasion spéciale digne du rang d'une conseillère spéciale. Trop, c'est trop! 

 

EDDY RABE 

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