Pape Diouf, de son vrai nom, Mababa Diouf, emblématique président de l'Olympique de Marseille entre 2004 et 2009, est décédé le 31 mars 2020 à Dakar des suites du Covid-19 à l'âge de 68 ans.
Le choc était violent. Sonné lorsque la nouvelle était tombée, je n’arrivais pas à croire ce que je lisais de mes propres yeux sur l’annonce du décès de Pape Diouf. Mais sommes-nous toujours capables de nier la réalité face au ravage de ce virus qui est en cours d’ébranler le monde et de faire vaciller l’ordre mondial? Hélas, oui, le Covid-19 a emporté Pape Diouf ce 31 mars au soir sur les terres de ses ancêtres à Dakar au Sénégal. Hélas, « notre Pape est mort » comme l’a si bien illustré le quotidien « L’Equipe » à sa Une du jour (01/04/2020). Les mots manquent pour décrire la profonde tristesse qui m’envahit depuis hier soir en apprenant la disparition de ce Monsieur. Pape Diouf a laissé orpheline la grande famille de l’Olympique de Marseille dont je fais partie en tant que fervent supporter. La ville de Marseille pleure une de ses illustres personnalités, le football français a perdu une de ses grandes figures de ces vingt dernières années.
Arrivé à Marseille au début des années 70, ce fils de militaire sénégalais de l’armée coloniale française gravit petit à petit les échelons de la classe sociale en accumulant tout d’abord les petits boulots puis en reprenant les études à l’IEP (Institut d’Etudes Politiques) d’Aix-en-Provence avant de devenir tour à tour journaliste, agent de joueurs et enfin président de l’Olympique de Marseille. L’OM, il le porta dans son coeur depuis toujours, avant même d’en devenir le président de 2004 à 2009. Nul doute que sa passion pour ce club l’avait transcendé à tel point d’en devenir l’un des meilleurs présidents avec Bernard Tapie. Cet épisode de la vie de l’OM avec Pape Diouf à sa tête, les supporters lui en seront toujours reconnaissants.
Alors que le club naviguait à vue dans un marasme total et perdait au fil du temps son aura sur le football français, Robert Louis-Dreyfus, l'actionnaire principal, chargea Pape Diouf de diriger le club sans vraiment lui en donner de réels moyens. C’est sans compter l’intelligence et la perspicacité de Pape, qui, entouré d’hommes forts et de confiance, sut relever le club. Et même s’il ne fut pas récompensé par l’obtention de titres durant sa présidence, le club fut remis à flots financièrement, joua les premiers rôles dans le championnat et participa régulièrement à la prestigieuse Ligue des Champions. En bons connaisseurs, les supporters ne lui en tinrent pas rigueur, bien au contraire. Lorsqu’il dut céder les rênes du club à cause de certains proches de Robert Louis-Dreyfus, les groupes de supporters ne l’ont jamais oublié et beaucoup ont même caressé le doux rêve de le voir revenir aux responsabilités dans leur club de coeur. Aujourd’hui, plus que jamais, ils le regrettent car il s’en est allé, un peu tôt, sans aucun doute.
On ne le dira jamais assez. Pape Diouf fut un homme intelligent, plein de bon sens, avisé et attentionné. Que ce soit dans ses écrits ou dans son langage, il mania la langue de Molière avec noblesse et subtilité. Une langue qu’il appréciait et pour laquelle il donnait une importance très particulière dans le choix des mots. L’écouter s’exprimer quel qu’en soit le domaine, éclectique qu’il fut, suscitait toujours l’attention et l’admiration. Fier et dopé d’une bonne dose de confiance en soi, Pape Diouf symbolisait, de par son parcours, la réussite d’un enfant de la diversité à qui tout n’a pas été offert sur un plateau d’argent mais que seuls le travail et la persévérance paient. Ayant été le premier Noir à devenir président d’un grand club d’un grand championnat européen récompensait justement ces valeurs tout en étant à ce jour une source d’inspiration pour bon nombre de jeunes de la diversité et d’Afrique.
Mais Pape Diouf, ce fut aussi un homme avec ses défauts et ses qualités; sauf que tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître gardent aujourd’hui les souvenirs d’un homme bon, sage, et serviable. Il a toujours été là pour les autres, toujours là à prodiguer les bons conseils endossant tantôt le rôle de père, de grand-frère, d’ami avant même d’être un agent, un métier qui lui avait permis de propulser beaucoup de footballeurs à des carrières florissantes. Une réussite qui était fondée surtout sur des principes de confiance; pour lui, une parole donnée valait plus que les écrits. Tous, supporters, anonymes, les clubs de Ligue 1 même les rivaux de l’OM, hommes politiques, tous saluent aujourd’hui, d’une voix unanime, la mémoire d’un homme respectable et respecté, comme l’a qualifié Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais. Le président de l’OL a été dithyrambique à son encontre et s’est dit même très attristé de son décès en affirmant aussi que leur relation était devenue presque amicale au fil du temps. Pourtant, la rivalité entre les deux clubs était rythmée par des passes d'armes mémorables entre les deux hommes dans les années 2000; de bonne guerre, chacun voulant défendre les intérêts de son club.
Le coronavirus nous l’a brusquement arraché mais Pape Diouf restera à jamais dans nos coeurs. A sa famille, nous tenons à présenter nos sincères condoléances et à lui témoigner notre soutien le plus total pour traverser cette terrible épreuve. Nous compatissons à sa douleur.
A jamais Olympien!
Repose en paix Pape!
Eddy Rabe