Avec le mois de mars qui vient de passer, Madagascar vient d'entrer pleinement dans sa quatrième année de transition. Une période transitoire qui s' apparente, au fil du temps, à un mandat électif, notamment, présidentiel et qui commence sérieusement à inquiéter tous les observateurs de la scène politique malgache, nationaux et internationaux. L'ensemble même de la population malgache se lasse de cette atmosphère ambiante d'instabilité politique exacerbée par le marasme économique, l'inflation galopante et surtout l'insécurité.
Le grand "Ouf" de soulagement a été poussé lorsque l'ancien président déchu, Marc Ravalomanana, et l'actuel président de la Transition, Andry Rajoelina ont, tour à tour, annoncé leur désistement à la course à la présidentielle. Ce soulagement a été favorablement ressenti par la classe politique malgache, la population et surtout la communauté internationale, qui, il faut le souligner, a beaucoup pesé sur la décision des deux protagonistes à la crise en ayant usé la manière forte de la diplomatie sur les deux personnalités, d'autant que les pourparlers menés sous son égide à travers la SADC (Communauté de développement des États d'Afrique Australe) ont largement échoué durant ces quatre années de crise politique. Aujourd'hui, l'espoir est donc permis pour les prémices de sortie de crise avec l'organisation de nouvelles élections démocratiques, libres et transparentes. Malgré un tâtonnement au départ, en particulier, sur le report de la date des élections, prévues initialement au mois de mai de cette année puis repoussées en juillet, la CENIT ou la Commission Électorale Nationale Indépendante, organe chargé d'organiser les élections montre des signaux au vert quant au déroulement des scrutins et au respect du calendrier électoral. Techniquement, tout est prêt selon sa truculente présidente, Attalah Béatrice. En effet, elle et son organe bénéficient d'un soutien fort de la part de la communauté internationale qui parie gros sur ces élections pour se dessaisir enfin de l'encombrant "dossier Madagascar" et sa crise. Pour autant, le doute et le pessimisme subsistent quant à la tenue de ces élections ou même à la résolution de la crise dans sa forme actuelle.
Une réconciliation nationale qui peine
En effet, une frange de la classe politique malgache redoute la bonne tenue de ces élections. Non pas par les moyens déployés, car la communauté internationale ne ménage pas les efforts pour épauler la CENIT, mais par le fond. Ces politiciens estiment que l'apaisement n'est pas encore atteint pour mener le pays vers les élections, qui, dans l'histoire de Madagascar, depuis son indépendance, constituent les principales sources de crise. C'est une analyse qui n'est pas fausse en soi. On constate encore aujourd'hui que la réconciliation nationale peine à trouver ses marques, or que c'est la base de l'apaisement tant politique que social. La feuille de route de sortie de crise proposée par la communauté internationale, signée par l'ensemble des partis politiques et qui vaut aujourd'hui force de loi par ratification des deux chambres parlementaires prévoit cette réconciliation. Elle l'impose même par la mise en place d'une institution, le FFM ou le Conseil de la Réconciliation Malgache, mais à trois mois du premier tour de la présidentielle, elle n'est toujours pas opérationnelle. L'article 20 de cette même feuille de route stipulant le retour des exilés politiques à l'étranger, pour permettre à Ravalomanana de rentrer au pays, est difficilement applicable pour le pouvoir. Ce qui laisse, en effet, à penser que ces élections, dans les circonstances politiques actuelles ne pourraient constituer un élément fédérateur de sortie de crise. D'où l'enjeu majeur d'une organisation irréprochable des élections. Une responsabilité lourde de sens mais aussi de conséquences qui repose désormais sur les épaules de Attalah Béatrice et de la CENIT.
Pas d'aides internationales jusqu'en 2020
Mais Madagascar dispose-t-il encore de temps pour tergiverser et faire l'impasse sur ces élections en cette année 2013? A voir la situation socio-économique du pays, la réponse est non. Madagascar a déjà beaucoup perdu, trop perdu. Ces quatre années de transition ont trop duré et ont laissé des traces, hélas néfastes sur le développement du pays. Le pays doit avancer et seules les élections peuvent permettre à ce pays de retrouver une espèce de stabilité. Attalah Béatrice a déjà prévenu: sans les élections en 2013, Madagascar ne pourra désormais bénéficier des aides internationales jusqu'en 2020. Voilà qui pourrait refroidir le scepticisme de certains politiciens quant à l'opportunité de ces élections. Et en se passant pour son porte-voix, elle confirme la confiance dont lui fait preuve la communauté internationale. Toutefois,au-delà de ces élections, il ne faut pas se leurrer. Le travail de sortie de crise restera encore de longue haleine. Le futur président de la république et le futur pouvoir doivent déborder d'ingéniosité pour trouver les bons ingrédients afin de fédérer les Malgaches dans le rédressement du pays. Ce qui est sûr, 2013 restera une année pas comme les autres dans l'histoire de Madagascar. Une année de tous les espoirs comme ça pourrait être, malheureusement, une année de tous les dangers. Bref, une année à quitte ou double.
Eddy Rabe