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Monjangaia

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C'est un blog d'informations et d'analyses sur l'actualité internationale en général, et, malgache, en particulier.

Publié le par Eddy Rabe
Dr JB: A jamais éternel!

Comme c'est une nouvelle version du blog, je vous retranscris ici certains articles publiés sur l'ancienne version. Celui, ci-après, a été publié le 24 avril 2012. Bonne lecture!

07 octobre 2011-24 avril 2012. Il y a plus de 06 mois déjà, Justin Andrianambiny Bezara, alias Dr JB, s'en allait. Le temps passe vite mais il n'arrive pas à combler le grand vide laissé par ce grand artiste, maître du "salegy"* et des rythmes du grand nord de Madagascar. Il fut l'un de ceux qui ont fait découvrir le rythme salegy moderne et torride à travers les contrées du pays et au-delà des frontières de Madagascar. Son succès fut tel qu'il enchaîna les concerts et soirées avec une cadence très soutenue de presque 30 jours /30 à travers tout Madagascar, et particulièrement, dans la partie nord de l'Ile; mais aussi, à Mayotte, à La Réunion ou encore en France. C'était la rançon à payer pour honorer les nombreux contrats ayant permis d'assouvir la passion des fans jamais rassasiés de ses soirées torrides et exaltantes. Celle de Marseille, un 02 décembre 2006, fut peut-être celle de trop pour un corps qui commençait déjà à subir le poids de l'âge. Ce jour-là, Dr JB fut victime d'un accident cérébro-vasculaire dans le couloir de la scène de la salle "Florida Palace" de Marseille. Un incident fatal pour sa carrière d'abord, l'ayant entraîné dans un handicap moteur; puis, pour sa vie 5 ans après. Retour sur une carrière d'artiste mémorable et riche en rebondissements.

Discret, on ne pouvait imaginer que cet homme, à l'allure débonnaire, pas trop grand, les cheveux tantôt en coupe "afro", tantôt en dreadlocks toujours accompagnés d'un couvre-chef, faisait vibrer toute une foule lors de ses soirées dansantes ou concerts. Pourtant, c'était bien le cas. Dr JB, de son vrai nom Justin Andrianambiny Bezara, avait bâti sa renommée en ayant su allier le "salegy" avec une touche de modernité sans pour autant renier le rythme de base. Depuis sa découverte sur la scène du show-biz malgache au début des années 90, les albums de Dr JB et de ses troupes ont toujours fait l'effet d'un événement sur la société malgache. Ce que beaucoup ne savaient pas à l'époque, c'est que l'homme avait déjà accumulé une longue expérience dans sa vie d'artiste. D'abord, tout commença véritablement pour lui à la fin des années 70, début des années 80. Le jeune Justin intégra le groupe "Liberty" du Grand Maître Tianjama. Il était à la fois batteur et choriste, et interprétait même des chansons dans les soirées dansantes. Très vite, il se démarqua du groupe et en devint l'un des leaders après Tianjama. Ils sillonnaient toute la partie nord de Madagascar, et à travers ces tournées, le nom de JB commençait à se faire connaître. Le groupe "Liberty" ayant d'ailleurs connu un succès national avec le tube "Soanada", que ses représentations, même dans les villages les plus reculés de cette partie du pays, ne passaient pas inaperçues. Mais pour des raisons personnelles et d'une certaine divergence de points de vue avec le groupe, JB décida de faire un break.

"Bwana Moussa"

Il se déconnecta du monde de la musique et beaucoup y voyaient une fin de carrière précipitée. Mais quand on est passé par "Liberty", on est passé par une grande institution de formation. La musique sommeillait en lui, et durant son break, il s'est découvert un autre talent, celui de parolier. Puis vint le jour où un opérateur chinois d'Andapa eut la bonne idée de lui confier les rênes d'un orchestre. Naquirent alors les "Batmen Music"; groupe composé de musiciens talentueux, récupérés pour la plupart des "Liberty", et au sein duquel on comptait le virtuose de la guitare Jean Rakoto, de l'ancien groupe "The Smokers" de Roger Georges. La composition de tous ces talents ajoutée aux paroles écrites par JB fit mouche. La sortie de l'album "Bwana Moussa" fut un succès, le groupe fit salle comble à chaque sortie et JB acquit un statut de leader affirmé et respecté. Le nom de JB résonna partout quand on évoqua le "salegy". Il eut, dès lors, franchi un palier dans sa carrière. Mais aussi invraisemblable qu'il n'y paraisse, les "Batmen Music" n'ont pas duré trop longtemps malgré leur succès. Toutefois, JB, devenu entre-temps, Dr JB (celui qui guérit par sa musique. En fait, le Dr provient d'une erreur du studio d'enregistrement. JB et un autre artiste, dénommé Jidéh, qui, lui, est réellement médecin et installé depuis en France, ont enregistré dans le même studio à la même période. Une erreur sur la consonance s'est glissée lors de l'impression des jaquettes des albums des 2 artistes. Le Dr est ajouté à celle de JB et depuis JB est devenu Dr JB) eut le génie de conserver tous les éléments de "Batmen Music". Et quand Trefy, un autre opérateur économique installé à Nosy-Be, lui proposa de composer un autre groupe, "Jaguars II" fut né. "Jaguars I" ayant été mené par un autre As du salegy, Din Rotsaka. De par les talents qui les composaient et la puissance financière de Trefy, les deux formations dominèrent la scène musicale du Nord de l'Ile et on va dire que tout Madagascar fut submergé par les nouveaux styles de salegy tels le salegy goma ou le salegy rotsaka. Les soirées s'enchaînaient dans tout le pays; et même, les grandes villes comme Majunga, qui ne cultivent pas trop un amour pour les soirées dansantes animées par un orchestre et des musiciens, ne juraient plus que par ces ambiances. La magie des soirées "Jaguars" avait emballé les Malgaches et allait même se répandre au-delà des frontières: Mayotte, La Réunion, Europe. De son côté, fort de sa grande expérience, Dr JB profita de cet engouement pour accélérer les sorties d'albums tout aussi réussis les uns que les autres et tous avaient connu un succès à leur mesure. Et dans un entretien privé, lorsque je lui ai fait remarquer ce fait, il m'a calmement répondu que sa source d'inspiration était intarissable.

Alchimie des paroles et de la musique

Il est vrai que les paroles de ses chansons, au fil des albums, n'avaient jamais manqué d'inspiration et il les puisaient des faits de la société et de la vie de tous les jours; ça interpelle et ça amuse à la fois les gens. Beaucoup se reconnaissent dans ses chansons. Dr JB savait parler de la société à l'instar des grands chanteurs ouest-africains des années 70-80. C'était là sa grande force. Il maîtrisait l'alchimie entre le maniement des paroles et le rythme de la musique. Aujourd'hui, c'est ce qui manque à la plupart des jeunes talents montants, notamment, dans le monde du "salegy". On regrettera toutefois que ce grand artiste n'ait pas connu un succès sur la scène internationale comme Jaojôby l'a si bien fait, pour représenter le "salegy" et la musique malgache. Il l'aurait mérité car le talent, il l'avait. Mais le parcours assez atypique de cet artiste l'avait trop longtemps confiné dans les terres du Nord et l'avait tardivement fait sortir de ces contrées. Mais Dr JB ne s'en plaignait pas, il fait partie de ces vieux loups, tel Tianjama, qui se complaisent des terroirs, là où ils puisent leurs sources d'inspiration et... de revenus. Aujourd'hui, Dr JB n'est plus. Il aura laissé un grand vide mais, pour beaucoup, on ose l'espérer, ce vide n'aura qu'un sens abstrait. Ses chansons et son souvenir demeurent à jamais éternels.

P.-S.: Je vous livre un clip du tube "Aza m'dérange" de Dr JB avec les derniers éléments qui l'accompagnaient lors de sa dernière soirée à Marseille où il avait subi l'accident cerébro-vasculaire.

*: Le "salegy" est le nom donné à un rythme de musique typiquement malgache, principalement joué et apprécié dans toute la partie nord de Madagascar. C'est le plus connu des sonorités de la riche et très diversifiée Musique malgache sur la scène internationale, notamment, grâce à son plus grand ambassadeur, Jaojôby.

EDDY RABE

Dr JB et sa célèbre formation "Les Jaguars II" posant ici pour la couverture d'un album.

Dr JB et sa célèbre formation "Les Jaguars II" posant ici pour la couverture d'un album.

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