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Depuis une semaine, le monde politique malgache est bouleversé. Depuis que l'ancien Président de la République, Marc Ravalomanana, en exil en Afrique du Sud depuis plus de 5 ans a foulé le sol malgache sans crier gare ni sans que les autorités malgaches ne soient au courant, la classe politique malgache se trouve dans tous ses sens, du sommet de l'Etat jusque dans la composition de l'Assemblée Nationale, en passant par les éléments de son propre camp.
Il faut reconnaître que Marc Ravalomanana en rentrant en catimini à Madagascar a réussi un coup de maître inédit dans l'histoire politique de la Grande Ile. Car le mystère demeure toujours sur les conditions dans lesquelles il a pu entrer sur le territoire au nez et à la barbe des autorités. Un jour, cela s'éclaircirait peut-être mais en attendant Ravalomanana est bel et bien là. Toutefois, ce retour ne lui aura pas été bénéfique bien longtemps car, non seulement, il a été vite mis en résidence surveillée dans un camp militaire à Antsiranana, au nord de l'Ile; mais aussi, la communauté internationale qui a tant reclamé son retour a fermement condamné la manière avec laquelle il a été réalisé. Le pouvoir semblait dépassé par cet événement et ne disposait d'autre alternative que l'usage de la force pour effacer l'affront infligé par l'ancien président en l'emmenant manu militari vers sa "résidence surveillée". Mais pour beaucoup d'observateurs politiques, le retour de Marc Ravalomanana, quelle qu'en soit sa forme, constitue une belle opportunité pour s'atteler à la réconciliation nationale. Une réconciliation, qui, d'ailleurs, est clamée haut et fort par Hery Rajaonarimampianina comme condition essentielle dans le développement du pays.
Un énième couac
Le coup était ingénieux digne d'un titre de Gérard de Villiers. Marc Ravalomanana a pu franchir les frontières malgaches sans que les autorités n'en soient averties ou même qu'elles ne s'en soient aperçues. Du jamais vu pour un pays souverain! D'autant qu'il ne s'agit d'une personnalité quelconque mais d'un ancien chef d'Etat, qui, de surcroît, ne dispose pas de son passeport retenu par la justice sud-africaine dans le cadre de la procédure suite à une plainte déposée par l'association des victimes de la tuerie du 07 février 2009. Le fait est cruel pour le pouvoir Rajaonarimampianina: il s'agit là d'un énième couac depuis que les destinées du pays ont été confiées à l'ancien ministre des finances. C'était il y a un peu plus de 9 mois. Mais cette fois-ci, l'impact peut s'avérer périlleux. Ce retour inopiné et spectaculaire de Marc Ravalomanana a mobilisé l'attention de toutes les couches de la société malgache, a sensibilisé la communauté internationale et a revigoré ses partisans. Sans parler de l'ampleur médiatique de l'événement. Pris de court voire même dépassé, le pouvoir a agi dans la réaction, comme souvent dira-t-on, pour sauver la face en cantonnant le désormais ex-exilé d'Afrique du Sud en résidence surveillée dans le nord du pays. Pour sa sécurité selon la version officielle. Mais le scénario de ce retour ne cesse d'alimenter les fantasmes de tous les observateurs politiques. Comment en effet Marc Ravalomanana a-t-il pu rentrer au pays sans que les autorités malgaches, surtout au plus haut sommet de l'Etat, n'en aient pas été mises au courant? Cette question évoque l'hypothèse de l'existence d'un accord entre les 2 parties. Si tel était le cas, comment alors expliquer l'attitude de Marc Ravalomanana en conférence de presse et face à ses partisans fustigeant le pouvoir, le traitant d'illégitime et en arguant qu'il n'attendrait pas la présidentielle de 2018 pour s'accaparer du pouvoir en rééditant 2002? Si cet accord n'existe pas, comment l'Etat a-t-il pu s'enliser dans une bourde aussi grotesque qu'inquiétante? L'incompétence du gouvernement, du pouvoir en général, n'est plus à démontrer mais là elle frise le ridicule; et Ravalomanana, par la même occasion, prend sa revanche sur le cours de l'histoire. Lui qui n'a pu rentrer au pays par de multiples tentatives durant la transition.
Ravalomanana arrogant
Quoi qu'il en soit, l'ancien PDG du groupe Tiko n'est pas sorti vainqueur pour autant de la situation ni le pouvoir si affaibli que ça. L'homme n'a pas changé. L'incompétence et l'inertie du pouvoir ont certes réveillé ses ambitions démesurées de reprendre les rênes du pays mais les années d'exil ne l'ont pas pour autant rendu différent. Il s'affichait dans une posture loin de son mea culpa de 2009 devant le peuple malgache lorsqu'il était sur le point d'être renversé. A travers ses déclarations, après s'être rendu à son domicile à Antananarivo, on a retrouvé le Ravalomanana arrogant, direct et sans complaisance, hargneux. Il n'est pas allé sur quatre chemins pour afficher ses ambitions marquées par ce retour: reprendre le pouvoir, et vite, sans attendre les échéances électorales de 2018. Malgré lui, il a fait ressurgir le caractère rancunier qu'on lui a toujours attribué. Ce qui n'a pas parfait son coup d'éclat puisque la communauté internationale dans son ensemble a condamné, non seulement son retour unilatéral et sans concertation mais aussi, ses propos et déclarations provocateurs. Même au sein de son propre camp, la démarche de Marc Ravalomanana a fait grincer des dents.
Opportunité pour la réconciliation nationale
Quant au pouvoir, son salut est venu de la communauté internationale, qui, dans son ensemble, lui a témoigné son soutien. Comment, en effet, pourra-t-elle en faire autrement? Elle, qui a cautionné et financé les élections qui ont accouché ce nouveau pouvoir? De grandes figures de la classe politique malgache comme l'ancien Président de la République Didier Ratsiraka ou encore l'ancien Premier ministre Omer Beriziky ont eux aussi relativisé les charges contre le régime actuel ayant permis le retour de Ravalomanana. Pour eux et pour l'ensemble de la société civile malgache en passant par la communauté internationale, la présence de Marc Ravalomanana sur le sol malgache constitue une grande opportunité pour se lancer d'une manière effective dans la réconciliation nationale. Ce point crucial dans le processus de sortie de crise recommandé par la feuille de route et réclamé par une frange de la classe politique a depuis achoppé sur l'absence de Marc Ravalomanana à Madagascar. Le pouvoir lui-même, par la voix de son chef, le président Hery Rajaonarimampianina semble aussi disposé à franchir le pas pour cette réconciliation nationale. Il a répété à maintes reprises depuis sa prestation de serment en janvier que la réconciliation nationale constituait une étape fondamentale pour le développement du pays. Aujourd'hui, tout semble donc réuni pour sa tenue, d'autant que c'est la seule alternative dont dispose le pouvoir pour résoudre l'épineux cas Ravalomanana. On devrait donc s'acheminer vers la rencontre au sommet, c'est-à-dire une rencontre des anciens chefs d'Etat et de l'actuel en vue de cette réconciliation nationale. L'entourage de Marc Ravalomanana, après avoir vivement critiqué les conditions de détention de son leader et tenté vainement d'exhorter les partisans à descendre dans la rue, s'est résolu à présent à suivre cette voie. L'épouse du chef, Lalao Ravalomanana, a appelé toutes les composantes de la réconciliation nationale à se rapprocher pour un apaisement de la situation.
Faut-il rappeler que la réconciliation nationale demeure effectivement la clé de voûte de l'apaisement politique à Madagascar mais elle n'a jamais été prise en compte depuis la crise de 2002. A l'époque, Marc Ravalomanana a accédé au pouvoir par la force mais n'a pas jugé nécessaire de procéder à la réconciliation nationale malgré les appels incessants de l'opposition de l'époque dirigée par Albert Zafy. Pour Ravalomanana qui a fait torturer, a emprisonné, a fait tuer à l'époque, la réconciliation nationale n'était pas nécessaire. Ce qui a entraîné inévitablement à sa chute en 2009, mais surtout, ce qui a provoqué une nouvelle crise politique paralysant le pays pendant 5 ans. Aujourd'hui, l'histoire a rattrapé le trublion. Celui qui a tant renié la réconciliation nationale la réclame à présent pour se dépêtrer d'une situation qui "l'emprisonne" mais qu'il a, en soi, provoquée.
Eddy Rabe
Marc Ravalomanana, ancien Président de la République de Madagascar et ancien exilé en Afrique du Sud depuis 2009 lors de sa chute jusqu'au 13 octobre dernier, date à laquelle il est rentré en catimini, sans passeport, à Madagascar au nez et à la barbe des autorités malgaches. L'homme dérange et mis de suite en résidence surveillée à son retour car il a, sans ambiguïtés, affiché ses ambitions celles de reprendre le pouvoir quitte à faire descendre ses partisans dans la rue comme en 2002.