Certaines localités du grand Tanà sont rayées de la carte englouties par les eaux. De milliers de personnes ont abandonné leurs habitations perdant ainsi biens et animaux d'élevage. Pour d'autres, notamment dans les bas quartiers d'Antananarivo, vivre les pieds dans l'eau est devenu un quotidien depuis janvier 2015 avec tous les risques d'épidémies et de maladies.
Du jamais vu! De l'aveu de beaucoup de témoignages, notamment, d'experts, la capitale de Madagascar, Antananarivo, n'a jamais connu pareille inondation suite à des pluies battantes incessantes. En effet, des trombes d'eaux se sont abattues sur la capitale depuis le début de la semaine ayant entraîné des crues des grandes rivières qui bordent et traversent la ville. Face à la montée des eaux, les digues et barrages ont rompu et les conséquences sont dévastatrices. On compte provisoirement des milliers de sinistrés et les moyens manquent. Toutes les forces vives se mobilisent mais la situation est loin d'être maîtrisée; d'autant que, la météo prévoit toujours de la pluie pour les semaines à venir malgré une petite accalmie pour ce week-end. L'Etat est désemparé, la population démunie.
Quatorze morts, près de 28.000 sinistrés dont un peu moins de 20.000 déplacés, c'est le lourd bilan provisoire dressé par le BNGRC (Bureau National de Gestion des Risques et Catastrophes) pour la seule région d'Analamanga qui inclut le grand Tanà, c'est-à-dire, Antananarivo et ses environs, suite à l'inondation causée par 4 jours de pluies abondantes. Au vu de ce bilan, la Ville des Mille paie le prix fort, pour le moment, des fortes pluies qui s'abattent sur l'ensemble du territoire de la Grande Ile. Effectivement, hormis le sinistre des populations, les infrastructures telles que les routes et les chaussées de la capitale sont fortement dégradées par les intempéries de ces derniers jours. Du coup, la ville se retrouve cernée par les eaux. Bon gré, mal gré, la population fait ce qu'elle peut avec le peu de moyens mis à sa disposition pour faire face à la situation et sauve ses biens tant bien que mal. Mais les dégâts sont tellement conséquents et le déchaînement des eaux si violent que ses efforts ne représentent qu'une goutte d'eau dans cette "grande mare". De son côté, l'Etat se mobilise et va débloquer 5 milliards d'Ariary (Plus de 1,5 millions d'Euros) mais ne peut réagir que par des solutions sporadiques par-ci, par-là; l'ampleur de la catastrophe est si immense que d'aucuns n'ignorent son incapacité à y faire face efficacement. En témoigne d'ailleurs l'appel à l'aide lancé solennellement par le Premier ministre à la communauté internationale et à toutes les bonnes volontés de tous horizons pour épauler Madagascar à endiguer, dans un premier temps, l'inondation et la montée des eaux, et ensuite, à assister les sinistrés. Avec ces milliers de sans-abris et de déplacés, Madagascar se confrontera, sans nul doute, aux problèmes de logistiques pour abriter les sinistrés. On pense notamment aux tentes et aux couvertures car il ne faut pas oublier que la pluie n'a pas cessé de tomber. Mais le gros problème se trouve aussi au niveau des vivres. Les sinistrés, étant complètement démunis, se retrouvent dans une situation de grande dépendance; il faudra veiller à leur subsistance tout en gardant à l'esprit que beaucoup d'entre eux sont des enfants à bas âge, vulnérables aux épidémies et aux maladies qui ne manqueront pas de se manifester dans pareille circonstance. La situation est donc grave et l'urgence est de rigueur sans compter que dans la région d'Alaotra Mangoro, les pluies ont également sévi. Selon toujours le BNGRC, on y dénombre près de 14.500 sinistrés dont plus de 2000 déplacés. Au total, les pluies de ces derniers jours ont ainsi causé plus de 42.000 sinistrés et plus de 21.000 déplacés. Les régions d'Analamanga et d'Alaotra Mangoro ont payé le lourd tribut de ces intempéries. Madagascar devra également affronter les possibles et éventuelles pénuries de riz durant la période de soudure, c'est-à-dire lors de la saison sèche, car la région d'Alaotra Mangoro constitue le grenier à riz de Madagascar et plus de 4000 Ha de rizières ont été détruites dans cette région. Cela se chiffre à 135 Ha dans la région d'Analamanga. Une bien mauvaise nouvelle quand on sait que cette tragédie va entraîner la hausse du prix de cette denrée, aliment de base des Malgaches.
Laxisme et corruption
Face à l'urgence, l'heure n'est évidemment pas encore aux règlements de compte et aux conclusions. Mais face aux dégâts causés par le cataclysme, l'on se doit de poser des questions sur son ampleur. Car de l'avis de nombreux experts, jamais on a vu une inondation d'une pareille envergure à Antananarivo. Presque tous les barrages et les digues qui protégeaient Antananarivo des cours d'eau qui la bordent ont cédé. Le pire, c'est que les eaux ont du mal à évacuer; les canaux sont obstrués ou encore des constructions d'habitations ont été érigées sur des terrains de passage de canaux d'évacuation d'eau. La capitale constate aujourd'hui avec dépit et avec douleur les conséquences d'une vingtaine d'années de laxisme et de corruption en matière d'urbanisme. Elle paie au prix fort aussi le manque de vigilance ou tout simplement le manque de clairvoyance des autorités. Primo, Madagascar est entré depuis le mois de novembre en saison des pluies. C'est une période qui, chaque année, devrait mettre en alerte constante les autorités face aux risques de catastrophes naturelles. Cette alerte aurait dû s'intensifier dans la mesure où les services météorologiques ont déjà annoncé, dès novembre, que le pays sera confronté à de fortes pluies pour l'année 2015. Secundo, dès le mois de janvier, les populations dans les bas quartiers d'Antananarivo se sont déjà retrouvées dans l'eau suite à la montée des eaux. Ensuite, le cyclone Chedza est passé avec des trombes d'eaux encore plus importantes. Des glissements de terrains et des effondrements de maisons sont constatés un peu partout dans Antananarivo suite aux pluies et à la montée des eaux qui effritent le sol. Mais malgré tous ces signes avant-coureurs, peu ou prou de mesures ont été prises pour, ne serait-ce, qu'atténuer les dégâts de la présente catastrophe qu'endure aujourd'hui la ville d'Antananarivo. Les autorités préfèrent se verser dans la facilité en évoquant constamment l'argument fatidique de la fatalité qu'est le manque de moyens. Les moyens ne seront jamais requis, surtout dans la situation actuelle de Madagascar, mais c'est le manque de volonté et de prise de responsabilité qui exaspère. Gouverner, c'est prévoir, dit-on. A Madagascar, on préfère guérir que prévenir avec toutes les conséquences néfastes que l'on connait actuellement. Aussi, le spectre de la corruption qui plane au-dessus des causes de cette inondation annihile toute volonté de prise de responsabilité. Les autorités se protègent dans un pays où la corruption est généralisée et où l'on n'est soi-même jamais à l'abri de ne pas traîner des casseroles. La droiture et la fermeté de l'Etat auraient sans doute permis d'éviter ces moments de détresse au pays. Le chef du gouvernement, Jean Ravelonarivo, a maintes fois martelé qu'il serait intransigeant en matière de corruption. Espérons que cette fois-ci, les actes rejoindront les paroles. En attendant, seule la solidarité envers les sinistrés est de mise.
EDDY RABE