08 avril 2016: le Premier ministre Jean Ravelonarivo (oui, le titre est toujours de rigueur) dément avoir signé et remis une lettre de démission aussitôt le décret de sa démission publié par la Présidence de la République.
Scène surréaliste au sommet de l'Etat! Alors qu'en début d'après-midi, la Présidence de la République de Madagascar, par la voix de son Secrétaire général, annonce la démission du gouvernement Ravelonarivo et l'acceptation de celle-ci par le président de la République à travers la publication d'un décret, le Premier ministre Jean Ravelonarivo (il convient toujours de l'appeler ainsi) a, dans la foulée, convoqué une conférence de presse pour un démenti catégorique. Pour lui, son entretien avec le Chef de l'Etat au Palais d'Etat d'Iavoloha relevait d'ordre professionnel et ce n'est qu'à la fin que ce dernier lui a demandé de présenter sa démission. Une demande qu'il a déclinée car il voulait d'abord prendre le temps de la réflexion et se référer à sa famille. Pour lui, il n'a ni signé, ni remis aucune lettre de démission. Le scénario prête à sourire et à une semaine auparavant, jour pour jour, on se serait cru en pleine farce de poisson d'avril. Sauf que l'imbroglio qui restera sans doute dans les annales de l'extravagante histoire politique de Madagascar est bel et bien réel et n'a rien d'une plaisanterie. Il révèle au grand jour les dissensions en coulisses qui subsistaient depuis des mois entre les deux hommes forts de l'Exécutif. Mais au-delà de ces affrontements publics, le pouvoir en place s'est, une fois de plus, démarqué pour son amateurisme et la présentation des faits a fait grincer des dents. Comment les conseillers de Hery Rajaonarimampianina ont-ils pu imaginer un tel scénario fondé sur l'usage de faux et usurpation de signature pour évincer le Premier ministre? Promulguer un décret dans de telles circonstances basées sur un mensonge flagrant relève d'une faute politique lourde et grave et inimaginable dans un pays démocratique. Si l'on se réfère aux dires du chef de gouvernement, son intérêt ne réside en aucun cas pas dans la fomentation d'une telle crise ouverte; lui qui s'appuyait sur ses fermes convictions de ne pas vouloir démissionner de son poste sans le recours de la Constitution. Les yeux des observateurs seront plus braqués vers Iavoloha. D'autant que la Présidence a aussitôt fait divulguer le décret mais n'a pas daigné rendre publique la lettre de démission.
Crise
Au lendemain de cette journée surréaliste, ce sont, une fois de plus, des millions de Malgaches qui vont se retrouver otages d'une nouvelle crise institutionnelle à venir. Qu'on le veuille ou pas, cette crise sera présente. Les adversaires de Hery Rajaonarimampianina vont s'engouffrer dans la brèche de ce mensonge d'Etat et du délit d'usage de faux pour le déstabiliser. Et même si Jean Ravelonarivo entend lui remettre sa vraie lettre de démission "à un moment opportun et pour l'intérêt supérieur de la Nation", selon ses propres affirmations, le président de la République ne peut échapper à la fragilisation de sa position au sein de l'Assemblée Nationale renforçant celle des partisans de l'article 54 de la Constitution rendant la nomination du nouveau Premier ministre comme un vrai casse-tête. Dans ce cas justement, la question est de savoir à quel moment le général Jean Ravelonarivo entend-il remettre cette fameuse vraie lettre de démission? Car en grand seigneur et grand gagnant dans l'histoire, Jean Ravelonarivo veut sortir par la grande porte, tête droite et bien droit dans ses galons, en mettant en avant l'intérêt supérieur de la nation dans la décision de sa future démission. Il dégage ainsi l'image d'une personnalité qui a fait taire son ego pour le bien du pays, alors qu'il était déjà bien isolé avant cet épisode rocambolesque. C'est de bonne guerre et on ne va pas le lui retirer la légitimité et ce, à quoi, devront s'attendre Hery Rajaonarimampianina et consorts. Jean Ravelonarivo va, certes, se retirer mais il ne va pas leur faire de cadeau; son démenti figure déjà comme les prémices de sa détermination à affronter le "boss". Son insoumission affichée depuis des mois sur sa démission aurait déjà dû alerter l'entourage du président de la République. Mais la faiblesse de vision politique de son état-major le mène une fois encore dans ce tâtonnement qu'on lui reconnaît depuis qu'il est aux commandes de la destinée du pays. Madagascar va encore plus se distinguer aux yeux du monde entier pour ses ridicules anecdotes politiques que pour sa propension à se développer. Le spectacle offert hier 08 avril par la plus haute institution du pays na va pas déroger à la règle et alimentera bien les chroniques insolites des médias et réseaux sociaux comme ça avait été déjà le cas lors du discours d'investiture plagié d'un certain... Hery Rajaonarimampianina. Si le pouvoir se débrouille toujours ainsi chaque année à couvrir Madagascar de ridicule, qu'elle semble encore bien loin 2018. Pour ne pas s'exprimer vulgairement...
EDDY RABE