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Monjangaia

Monjangaia

C'est un blog d'informations et d'analyses sur l'actualité internationale en général, et, malgache, en particulier.

Publié le par Eddy Rabe
De gauche à droite et de haut en bas: Professeur Tehindrazanarivelo Djacoba Liva, ministre des Affaires étrangères, Professeur Ahmad Ahmad, ministre de la Santé publique, Professeure Assoumacou Elia Béatrice, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et Andriamanana Josoa Iarintsambatra Rijasoa, ex-ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement technique et professionnel. Avant le limogeage de celle de l'Éducation nationale, de l'Enseignement technique et professionnel, ce sont les ministres natifs de la province de Majunga dans le gouvernement Ntsay actuel.

De gauche à droite et de haut en bas: Professeur Tehindrazanarivelo Djacoba Liva, ministre des Affaires étrangères, Professeur Ahmad Ahmad, ministre de la Santé publique, Professeure Assoumacou Elia Béatrice, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et Andriamanana Josoa Iarintsambatra Rijasoa, ex-ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement technique et professionnel. Avant le limogeage de celle de l'Éducation nationale, de l'Enseignement technique et professionnel, ce sont les ministres natifs de la province de Majunga dans le gouvernement Ntsay actuel.

Au lendemain du mercredi 29 janvier 2020, date à laquelle le dernier gouvernement Ntsay a été présenté officiellement, la province de Majunga a vu quatre de ses enfants intégrer cette équipe gouvernementale, et ce, pour des portefeuilles importants. Le ministère des Affaires étrangères a été attribué au Professeur Tehindrazanarivelo Djacoba Liva, celui de la Santé publique au Professeur Ahmad Ahmad, celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à la Professeure Assoumacou Elia Béatrice et enfin celui de l'Éducation nationale, de l'Enseignement technique et professionnel à Andriamanana Josoa Iarintsambatra Rijasoa. Au premier coup d'oeil, l'on remarque que ce sont des ministères stratégiques et très sensibles dans la vie de la nation malgache et constituent un rempart contre l'instabilité pour le pouvoir en place. Près de sept mois après ces nominations et en pleine crise sanitaire due à la pandémie du coronavirus Covid-19, l'euphorie de l'ensemble des natifs de la province de Majunga constatée au lendemain du 29 janvier est tombée. Les interrogations et les inquiétudes occupent les têtes. À peine plus d'un mois après le limogeage de Andriamanana Rijasoa à la tête du ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement technique et professionnel (remplacée en intérim par la Pr Assoumacou Élia, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) pour une rocambolesque affaire d'achat de bonbons et de matériels valant 08 milliards AR (près de 1,8 Millions d'euros) pour la lutte contre le Covid-19, voilà que le Pr. Ahmad Ahmad, ministre de la Santé publique, fut désavoué officiellement par un communiqué signé par la porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication et de la culture, Lalatiana Andriatongarivo Rakotondrazafy. 

l'humiliation de trop

Il va sans dire que malgré la litanie proférée par le président de la République, Andry Rajoelina, voulant convaincre que la pandémie est maîtrisée à Madagascar, le virus ne cesse de se propager dans le pays. Les cas de contamination et les patients atteints de formes graves de la maladie ne cessent d'augmenter, tout comme les décès. Il n'y a pas si longtemps encore, Madagascar ne comptait qu'un seul décès du virus contre 69 en date du 22 juillet 2020. Depuis le 19 mars 2020 où la pandémie est déclarée à Madagascar, on n'a pas tellement su cerner les lignes directives mises en place par le pouvoir dans la riposte à la Covid-19. Malgré le Covid-Organics (CVO), remède-miracle à base d'artémisia, vanté par le chef de l'Etat et à effet préventif et curatif, selon ses propres dires, la situation à Madagascar s'enlise de jour en jour. L'on s'étonne d'ailleurs de constater la mise à l'écart du ministre de la santé dans une guerre contre une crise... sanitaire. La présidence du CC0-Covid-19 (Centre de Commandement Opérationnel Covid-19), une sorte de "task force" créée pour la lutte contre la pandémie à Madagascar, dévolue logiquement au ministre de la santé en pareilles circonstances, a été confiée au ministre de l'intérieur. On voit beaucoup plus (trop?)  la ministre de la communication sur la chaîne nationale détailler des modalités de la stratégie de la lutte que le ministre de la santé. Le chef de l'Etat parade des dimanches soirs à la télévision en jouant les apprentis scientifiques pour promouvoir le CVO loin, très loin de sa fonction de président de la République pendant que l'opinion se pose des questions sur l'absence et l'indiscrétion du ministre de la santé. Ce dernier se contentant des "miettes" d'intervention dans la lutte contre la pandémie. À vrai dire, cette lutte a été, dès le départ, pilotée par la Présidence de la République. Ce n'est pas une faute en soi et on ne peut pas reprocher à Andry Rajoelina de prendre le problème à bras le corps. Seulement, fallait-il écarter pour autant le ministre de la santé pour lutter contre une crise sanitaire? Fallait-il pour autant le désavouer au vu et au su de toute la nation? Et lorsqu'il a eu recours aux partenaires internationaux, il y a trois jours, en envoyant une requête pour demander de l'aide à l'octroi de matériels médicaux pour vraiment faire face à la réalité désastreuse dans laquelle se trouve le système de santé malgache devant l'avancée ravageuse de la pandémie dans le pays, le gouvernement, par le biais de sa porte-parole, lui oppose un communiqué cinglant se désolidarisant de sa démarche. L'humiliation de trop!

Démarche classique

Du jamais vu dans les rouages d'une équipe gouvernementale digne de ce nom. Pourtant, il n'a fait que son travail pour essayer d'endiguer le fléau qui s'est répandu à cause d'une mauvaise stratégie dont il n'est pas le principal responsable. On dit souvent qu'un ministre se tait ou quitte le gouvernement; c'est un adage valable aussi dans l'autre sens. Soit tu recadres ton ministre, les yeux dans les yeux, dans la discrétion de quatre murs, en cas de désaccord (ça peut s'appeler aussi solidarité gouvernementale), soit tu le remercies. Mais jamais au grand jamais, on humilie son propre ministre de la sorte: c'est un manque de courtoisie républicaine et de hauteur. La sortie de la directrice de la communication de la Présidence sur une chaîne privée pour essayer d'éteindre le feu dévoile la débandade actuelle au sein du gouvernement. Elle a toutefois qualifié la requête du ministre de la santé comme une "démarche classique"; un propos qui semble discréditer le communiqué signé par la porte-parole du gouvernement. Au vu de la situation, il est d'usage de considérer que le ministre de la santé doit démissionner. D'ailleurs, c'est ce que réclament certains au sein de l'Exécutif. D'aucuns pensent toutefois qu'il ne doit, en aucun cas, présenter sa démission; lui qui a osé dévoiler publiquement la réalité de la situation face à cette crise et qui a su enfin proposer des solutions pour y faire face quitte à demander de l'aide et n'en déplaisent à certains. Il est trop facile aussi de le pousser vers la sortie et lui faire porter le chapeau d'âne de l'incompétence pour des manques dans une stratégie qui ne lui est pas du tout imputable. S'il doit partir, soit! Mais qu'il ne soit pas le seul dans ce cas. Certains aussi doivent en faire autant, entre autres, la ministre de la communication. 

Zones d'ombre

Pour revenir aux autres ministres de la province de Majunga, le limogeage de l'ex ministre de l'éducation nationale avait fait beaucoup parler tout comme  l'affaire qui l'avait précédé, celle des bonbons à 8 milliards AR. L'affaire est actuellement en cours d'investigations, certains hauts responsables du ministère de l'époque ont été mis en détention provisoire. Il est difficile aujourd'hui de tirer une conclusion dans cette affaire au vu de l'instruction en cours, mais surtout, au vu du silence de l'ancienne ministre. D'ailleurs, pourquoi ne l'a-t-on jamais entendue, elle ou ses représentants? A-t-elle reçu l'ordre de ne pas parler ou est-elle tout simplement menacée? Des zones d'ombre persistent dans cette affaire mais quoi qu'il en soit, beaucoup n'imaginent pas qu'une telle somme ait pu être décaissée par un département ministériel sans que la Présidence ou la Primature n'ait pu intervenir ou être mise au courant à temps. Aussi, pour ceux qui connaissent Rijasoa Andriamanana, ils ne mettent pas en doute son intégrité. Est-elle victime de sa naïveté en politique pour son manque d'expérience en la matière ou de la guerre des égos au sein du clan présidentiel? La suite nous le dira car la vérité ne meurt jamais. 

Le Pr. Tehindrazanarivelo Djacoba Liva, en tant que ministre des Affaires étrangères, est chargé, quant à lui, de piloter le dossier des Îles éparses. Un dossier devenu prioritaire pour son département car Madagascar réclame à la France la restitution de ces îles situées dans les eaux territoriales malgaches. Le président Andry Rajoelina a fixé comme objectif le retour de ces îles pour Madagascar avant le 26 juin 2020, date de la célébration du 60ème anniversaire de l'indépendance. Il a par ailleurs réitéré lors d'une interview sur France 24 que Madagascar réclame le retour total des îles et non une co-gestion qui est aussi évoquée lors des négociations entre les deux pays. Entretemps, la Covid-19 est passée et les relations se sont tendues entre Antananarivo et Paris. La fête nationale est passée et les îles éparses sont toujours françaises. 

Sans arrière-pensées ni coups bas

Enfin, la Pr. Assoumacou Élia Béatrice a hérité d'un ministère bouillant, devenu au fil des ans, un foyer de tensions et de discordes. Malgré les inquiétudes des observateurs au vu de sa jeune expérience, elle a tout de même su contenir les fougues des universitaires prompts aux grèves et a su apporter un souffle d'espoir aux revendications des enseignants-chercheurs. D'ailleurs, elle assure également l'intérim d'un autre mastodonte qu'est le ministère de l'Éducation nationale et de l'Enseignement technique et professionnel. Toutefois, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique regorge de problèmes complexes par manque de réformes structurelles depuis des années. Et la situation actuelle que traverse le pays ne semble pas propice pour mener des changements de fond, les priorités sont ailleurs. Ce qui indique qu'il lui reste encore beaucoup à faire et qu'elle marche sur des oeufs.     

Tout ceci démontre à quel point les ministères qui ont été attribués aux natifs de la province de Majunga ne sont pas des pains bénis pour ne pas aller jusqu'à dire que c'étaient des cadeaux empoisonnés. Ces personnes savaient pertinemment les lourdes responsabilités qui les attendaient et en donnant leur consentement, elles étaient persuadées d'apporter leur compétence au service de la nation. Seulement, une fois qu'on les nomme, eux ou d'autres, qu'on leur donne la plénitude de pouvoir exercer leur fonction et montrer leur savoir-faire pour servir les Malgaches en toute confiance et sans arrière-pensées ni coups bas. La province de Majunga, comme toutes les autres provinces d'ailleurs, dispose de gens compétents et talentueux qui ne défilent pas devant les responsabilités, aussi lourdes soient-elles, mais, que les règles de jeu soient claires. Ne nous cachons pas derrière le sacro-saint équilibre régional pour nommer des gens pour ensuite les poignarder dans le dos afin de mieux les traiter d'incompétents ou de corrompus et se livrer par la suite à un népotisme qui ne dit pas son nom. Si l'esprit de l'équilibre régional est à ce dessein, merci. Autant rester tel qu'on est que d'accepter un cadeau empoisonné. 

 

EDDY RABE 

 

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Publié le par Eddy Rabe
Image surréaliste à la gare routière d'Andohotapenaka le 07 avril dernier. Elle montre la marée humaine qui s'est déferlée sur les lieux tentant de rejoindre les régions après la levée de l'interdiction de circuler décidée par le pouvoir; le tout, sans aucun respect des mesures barrières, sans masques pour beaucoup, en pleine crise de l'épidémie du coronavirus et dans une ville censée observer le confinement.

Image surréaliste à la gare routière d'Andohotapenaka le 07 avril dernier. Elle montre la marée humaine qui s'est déferlée sur les lieux tentant de rejoindre les régions après la levée de l'interdiction de circuler décidée par le pouvoir; le tout, sans aucun respect des mesures barrières, sans masques pour beaucoup, en pleine crise de l'épidémie du coronavirus et dans une ville censée observer le confinement.

Près de 60 véhicules de type mini-bus sont entrés sur Majunga hier 07 avril en soirée. En temps normal, cela n'aurait rien de surprenant surtout à l'approche du week-end de Pâques, période pendant laquelle la ville reste très prisée des touristes. Sauf que nous ne sommes pas en temps normal et que le contexte de l'afflux de ces véhicules transportant des milliers de personnes, pour la plupart en provenance d'Antananarivo, prête à une vive polémique. Pour situer le contexte, face à la lutte contre le coronavirus Covid-19, Antananarivo, Tamatave et Fianarantsoa, villes où l'on a dépisté des cas positifs de coronavirus jusqu'ici à Madagascar, ont été mises en situation de confinement. Pour prévenir également à de probables propagations du virus dans les autres villes et régions, les autorités ont fermé les axes routiers et les routes nationales reliant ces villes en confinement. Un dispositif qui a, jusqu'à présent, porté ses fruits puisqu'aucun cas n'a été signalé dans les autres grandes villes de Madagascar. Pourtant, dimanche soir, lors de son intervention quotidienne à la nation, le président de la République a annoncé la levée sur 3 jours, du 07 au 09 avril à 11H00, du dispositif afin de permettre aux personnes vivant temporairement dans la capitale de rejoindre leurs régions d'origine. A y voir de près, la décision semble juste car ces personnes ne disposent pas d'attache fixe à Antananarivo et dépendent, comme les étudiants issus des provinces, de leurs familles ou de leurs sources de revenus en régions. Mais son application interpelle.

Non respect des mesures barrières

D'abord, sur la chronologie: pourquoi a-t-on attendu 15 jours de confinement dans ces villes pour enfin prendre cette décision? N'aurait-il pas fallu demander à ces gens de quitter la capitale dès le début du confinement? Le hic porte au fait que ces gens qui vont rentrer en régions sont tous de potentiels cas contact. Aussi, dans les grandes villes comme Majunga où aucun cas n'a encore été décelé, des dispositions ont été déjà prises pour protéger la population et cela a bien fonctionné jusque là. Aujourd'hui, rien n'est sûr avec l'afflux de ces milliers de personnes porteuses saines ou cas contact.

Ensuite, il est vrai que ces personnes doivent rentrer dans leurs régions respectives mais a-t-on anticipé, au niveau du pouvoir, la gestion de ces déplacements massifs en ce laps de temps si court? A priori, non! Dès le 07 au matin des milliers de personnes se sont amassées à la gare routière d'Andohatapenaka pour s'approprier l'autorisation de circuler. Prévues pour deux mille personnes, ces autorisations ont vite été épuisées à tel point que les autorités ont rapidement arrêté la procédure. Sans compter que dans cette cohue, les mesures barrières n'ont pas du tout été respectées. Les gens se collaient les uns aux autres; beaucoup ne portaient pas de masques. En constatant les situations dans les gares routières, la transmission du virus se serait fortement développée et ces personnes censées se déplacer en régions pourraient par la suite le faire disperser, mais cette fois-ci dans tout Madagascar.

Contrepieds du pouvoir central

Enfin, là où le bât blesse, c'est que les autorités locales, en l'occurrence le conseil municipal de la commune urbaine, pour ne citer, entre autres, que cette assemblée, en concertation avec le CCO - Covid-19 local (Centre de Commandement Opérationnel pour la lutte contre le Covid-19) a pris ses responsabilités dès le 06 avril en décidant de mettre en quarantaine pour une durée de 15 jours tous les passagers en provenance d'Antananarivo avec un suivi de leur état de santé avant de les laisser se fondre dans la société. Seulement, le pouvoir central a pris à contrepieds cette décision en interdisant la mise en quarantaine; et ce, sur tout le territoire national et pas qu'à Majunga. Ainsi, le mystère demeure, l'inquiétude des populations est grandissante, les colères grondent et les critiques fusent n'épargnant pas l'Exécutif. Ces passagers ne sont soumis qu'à un simple contrôle de température et de prise de coordonnées aux barrages sanitaires à l'entrée des villes tandis que ceux qui ont pris l'avion doivent se soumettre à un test. Ce qui a encore fait enfler la polémique pointant du doigt un traitement à deux vitesses sur des classes sociales de la population. Croisons plutôt les doigts pour que ces décisions à controverse n'aboutissent pas à une catastrophe tant redoutée. 

Pourtant, jusqu'ici, Andry Rajoelina et son gouvernement semblaient maîtriser la situation face à cette épidémie même si l'application des mesures prises, adéquates ou pas, laisse toujours à désirer, comme l'illustrent les confinements laxistes à Antananarivo ou à Tamatave. L'inexistence de décès liés à la maladie dans le pays, a, pour le moment, réconforté les gouvernants dans sa manière de gérer la crise et a rassuré les Malgaches sur la menace qui pèse face à cette pandémie. Cependant, la donne a peu à peu changé depuis la levée de l'interdiction de circuler. La fébrilité commence à gagner les populations, surtout en provinces et le pouvoir semble dépassé par les événements de ces 48 dernières heures. D'aucuns se mettent même à imaginer les pires scenarii accusant ce pouvoir de favoriser la propagation du virus afin de bénéficier des fonds de l'étranger. Une hypothèse complotiste qu'on ne peut cependant oser croire.  En attendant, dans les prochains jours, la résilience des Malgaches sera mise à l'épreuve et il appartient désormais à ceux qui se sont déplacés de recourir à la sagesse et à la solidarité pour s'appliquer un confinement total. Il y va de la vie de la nation. 

 

Eddy Rabe

 

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Publié le par Eddy Rabe
Pape Diouf, de son vrai nom, Mababa Diouf, emblématique président de l'Olympique de Marseille entre 2004 et 2009, est décédé le 31 mars 2020 à Dakar des suites du Covid-19 à l'âge de 68 ans.

Pape Diouf, de son vrai nom, Mababa Diouf, emblématique président de l'Olympique de Marseille entre 2004 et 2009, est décédé le 31 mars 2020 à Dakar des suites du Covid-19 à l'âge de 68 ans.

 

Le choc était violent. Sonné lorsque la nouvelle était tombée, je n’arrivais pas à croire ce que je lisais de mes propres yeux sur l’annonce du décès de Pape Diouf. Mais sommes-nous  toujours capables de nier la réalité face au ravage de ce virus qui est en cours d’ébranler le monde et de faire vaciller l’ordre mondial?  Hélas, oui, le Covid-19 a emporté Pape Diouf ce 31 mars au soir sur les terres de ses ancêtres à Dakar au Sénégal. Hélas, « notre Pape est mort » comme l’a si bien illustré le quotidien « L’Equipe »    à sa Une du jour (01/04/2020). Les mots manquent pour décrire la profonde tristesse qui m’envahit depuis hier soir en apprenant la disparition de ce Monsieur. Pape Diouf a laissé orpheline la grande famille de l’Olympique de Marseille dont je fais partie en tant que fervent supporter.   La ville de Marseille pleure une de ses illustres personnalités, le football français a perdu une de ses grandes figures de ces vingt dernières années.

 

Arrivé à Marseille au début des années 70, ce fils de militaire sénégalais de l’armée coloniale française gravit petit à petit les échelons de la classe sociale en accumulant tout d’abord les petits boulots puis en reprenant les études à l’IEP (Institut d’Etudes Politiques) d’Aix-en-Provence avant de devenir tour à tour journaliste, agent de joueurs et enfin président de l’Olympique de Marseille. L’OM, il le porta dans son coeur depuis toujours, avant même d’en devenir le président de 2004 à 2009. Nul doute que sa passion pour ce club l’avait transcendé à tel point d’en devenir l’un des meilleurs présidents avec Bernard Tapie. Cet épisode de la vie de l’OM avec Pape Diouf à sa tête, les supporters lui en seront toujours reconnaissants.

 

Alors que le club naviguait à vue dans un marasme total et perdait au fil du temps son aura sur le football français, Robert Louis-Dreyfus, l'actionnaire principal, chargea Pape Diouf de diriger le club sans vraiment lui en donner de réels moyens. C’est sans compter l’intelligence et la perspicacité de Pape, qui, entouré d’hommes forts et de confiance, sut relever le club. Et même s’il ne fut pas récompensé par l’obtention de titres durant sa présidence, le club fut remis à flots financièrement, joua les premiers rôles dans le championnat et participa régulièrement à la prestigieuse Ligue des Champions.  En bons connaisseurs, les supporters ne lui en tinrent pas rigueur, bien au contraire. Lorsqu’il dut céder les rênes du club à cause de certains proches de Robert Louis-Dreyfus, les groupes de supporters ne l’ont jamais oublié et beaucoup ont même caressé le doux rêve de le voir revenir aux responsabilités dans leur club de coeur. Aujourd’hui, plus que jamais, ils le regrettent car il s’en est allé, un peu tôt, sans aucun doute.

 

On ne le dira jamais assez. Pape Diouf fut un homme intelligent, plein de bon sens, avisé et attentionné. Que ce soit dans ses écrits ou dans son langage, il mania la langue de Molière avec noblesse et subtilité. Une langue qu’il appréciait et pour laquelle il donnait une importance très particulière dans le choix des mots. L’écouter s’exprimer quel qu’en soit le domaine, éclectique qu’il fut, suscitait toujours l’attention et l’admiration. Fier et dopé d’une bonne dose de confiance en soi, Pape Diouf symbolisait, de par son parcours, la réussite d’un enfant de la diversité à qui tout n’a pas été offert sur un plateau d’argent mais que seuls le travail et la persévérance paient. Ayant été le premier Noir à devenir président d’un grand club d’un grand championnat européen récompensait justement ces valeurs tout en étant à ce jour une source d’inspiration pour bon nombre de jeunes de la diversité et d’Afrique.

 

Mais Pape Diouf, ce fut aussi un homme avec ses défauts et ses qualités; sauf que tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître gardent aujourd’hui les souvenirs d’un homme bon, sage, et serviable. Il a toujours été là pour les autres, toujours là à prodiguer les bons conseils endossant tantôt le rôle de père, de grand-frère, d’ami avant même d’être un agent, un métier qui lui avait permis de propulser beaucoup de footballeurs à des carrières florissantes. Une réussite qui était fondée surtout sur des principes de confiance; pour lui, une parole donnée valait plus que les écrits. Tous, supporters, anonymes, les clubs de Ligue 1 même les rivaux de l’OM, hommes politiques, tous saluent aujourd’hui, d’une voix unanime, la mémoire d’un homme respectable et respecté, comme l’a qualifié Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais. Le président de l’OL a été dithyrambique à son encontre et s’est dit même très attristé de son décès en affirmant aussi que leur relation était devenue presque amicale au fil du temps. Pourtant, la rivalité entre les deux clubs était rythmée par des passes d'armes mémorables entre les deux hommes dans les années 2000; de bonne guerre, chacun voulant défendre les intérêts de son club.  

 

Le coronavirus nous l’a brusquement arraché mais Pape Diouf restera à jamais dans nos coeurs. A sa famille, nous tenons à présenter nos sincères condoléances et à lui témoigner notre soutien le plus total pour traverser cette terrible épreuve. Nous compatissons à sa douleur.

 

A jamais Olympien!

 

Repose en paix Pape!

 

Eddy Rabe

 

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